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  • Writer's pictureSylvain Lupari

BERNHARD WÖSTEINRICH: Elsewhere (2018) (FR)

“Difficile à apprivoiser? Bien sûr! C'est du Wöstheinrich et Elsewhere vous mènera dans des territoires que vous aurez du mal à vendre et à justifier, mais c'est seulement pour vous”

1 Weisses Venn 18:22 2 Quenhorn 17:30 3 Pixel 15:43 4 Sandknapp 17:09 Iapetus Music

(LP/CD/DDL 63:48) (Experimental & Modern Krautrock)

Un fascinant dialecte électronique pépie comme un oiseau extra-terrestre en ouverture de Weisses Venn. Ce langage chanté de cyborg va et vient à répétition, multipliant ses strates qui forment une boucle sans fin d'où s’échappent aussi d'autres formes de gazouillis synthétisés. De sourdes pulsations forment une zone de résonance, recouvrant ainsi d'une chaleur électronique cet étrange concerto pour babillages de chérubins non-identifiables. Cette boucle kaléidoscopique progresse entre des tintements et des nuages de brouillard électronique où errent ces voix sans identités. Devenant insistantes et amplifiées, les pulsations structurent un rythme ambiant qui ondulent dans ces bancs de brouillard syncrétique alors que l'amphigouri sans frontières perd peu à peu de sa vitalité pour finalement disparaître autour des 9 minutes. Bernhard Wöstheinrich met ainsi l'auditeur en face de ses ambiances identifiées comme une source de la Berlin School avec une pulsation ronde et juteuse qui palpite dans un décor très près de Klaus Schulze. Des effets percussifs picorent cette ligne de basse à forte résonance hypnotique, ce qui met mes oreilles en appétit. Cette deuxième phase de Weisses Venn reste en pleine incertitude, même si des éléments de rythme tente une réanimation rythmique. Des accords tintent comme un carrousel mal-ajusté qui peine à tourner, alors que le décor respire toujours de ces années analogues. Ces accords deviendront la dernière phase harmonique de ce long titre qui ouvre un album très difficile à apprivoiser. Enregistré en direct lors de sessions studio, ELSEWHERE est l'album que le musicien Allemand voulait absolument faire depuis qu'il a entendu Zeit de Tangerine Dream à la fin des années 80. Pressé en vinyle sur un double-album, cet album mixé par Markus Reuter, fidèle compagnon de Bernhard Wöstheinrich depuis des lunes, propose près de 70 minutes d'une MÉ qui flirte avec les expérimentations du Krautrock. Et lorsque je mentionne expérimentations, j'exagère à peine. Cette musique très progressive s'inspire aussi du modèle Berlin School avec 4 longues structures évolutives animées par des battements séquencés dont les formes minimalistes accueillent une pléthore d'effets sonores qui demandent quelques écoutes afin de défendre leurs charmes auprès de nos oreilles. Mais sommes-nous vraiment surpris de ce fait, considérant que Bernhard Wöstheinrich a toujours été en marge d'une quelconque commercialisation de ses œuvres? Un exemple? Quenhorn!

Son introduction est chloroformée d'oblongues lamentations sans fin, comme un combat entre la mélancolie des cordes de violoncelles et la froideur des lames de synthé, qui cisaillent les ambiances d'une tonalité métallique. Le séquenceur se met en bataille et pistonne un rythme anti-beat avec des séquences inarticulées qui se greffent dans des élans spasmodiques aussi violents que des ruades de chevaux sauvages et qui sont fortement intoxiqués. Malgré le tintamarre des lames de rasoir sonore, une lueur de confort émerge avec des caresses brumeuses (j'entends des voix?) qui tentent d'insuffler une accalmie à cette suite de ruades sans fin. La désynchronisation de cet homme-orchestre rencontre un banc de sérénité autour de la 9ième minute, avec une musique tissée pour un oasis, bien qu'un court moment de battements égarés s'y oppose, qui dure jusqu’à la finale de Quenhorn. Pixel est le moment le plus musical, et le plus soyeux aussi, de ELSEWHERE. Acrimonie, le mouvement déploie sa vision contradictoire entre ses battements qui refusent toute forme de symbiose avec la splendeur des nappes séraphiques qui valsent avec notre conscience. Peu à peu, une forme de mutualisme attache les deux entités. Sandknapp est aussi fait d'étrangeté et d'éclectisme sonore dans sa composition qui se différencie par son approche nettement plus expérimentale de ce dernier opus de Wöstheinrich. La ligne de rythme rampe avec ses fascinantes pulsations séquencées qui tentent de s'approprier un dialecte aussi hétéroclite que celui de Weisses Venn. Sauf qu'ici sa fluidité lui donne un aspect sensuel que l'on peut aisément comparé à une danse spirituelle d'une noirceur implacable. Encore ici, ce mélange de brume et de voix qui enserre cette danse anesthésiante donne une approche délicate et séraphique aux ambiances qui sont aussi agrémentées par des lignes de synthé au dessein apocalyptique. Enfin, c'est ma vision des choses et je suis certain que la vôtre sera différente! Mais une chose est certaine, c'est que la musique de ce ELSEWHERE vous amènera dans des territoires que vous aurez de la difficulté à vendre et à justifier à ceux qui vont regarderont les sourcils froncés et les oreilles incrédules.

Sylvain Lupari (06/12/18) *****

Disponible au Iapetus Music Bandcamp

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