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Writer's pictureSylvain Lupari

COLIN RAYMENT: Igneous (2020) (FR)

La principale force de cet Igneous est d'avoir sa propre texture sonore qui nous a donné des frissons tout au long de ses 60 minutes

1 Traversing the Change 10:12

2 Formation of Obsidian 21:13

3 Crystalline 5:45

4 Rapparee Cove 12:06

5 Skimming Time 10:21

(CD-R/DDL 59:40)

(New Berlin School, Cosmic Rock)

Un titre progressant avec une infinie tendresse, Traversing the Change ne perd pas de temps! Après une ouverture ambiante esquivée en un claquement de doigts, le rythme impose une frêle présence nerveuse avec une agitation des séquences et des percussions aussi légères que des claquettes. Une ligne de basse ramasse ces atouts rythmiques pour les faire disparaître dans un mouvement fluide et aussi houleux que chaotique. Soufflant le chaud et le froid, Colin Rayment réchauffe bien ses éléments. Des effets de gaz percussifs en sont une séduisante preuve, alors que Traversing the Change entreprend son 3ième virage pour un rock électronique toujours lourd. Un New Berlin School flottant mais plus entraînant, tant pour les doigts tapotant nos cuisses que nos oreilles arrimées à ces effets percussifs qui sont devenus la charpente de Traversing the Change. Mis à part quelques nappes chloroformiques, le synthé greffe ses harmonies sur le tard avec une timide présence qui se développe aussi après la 3ième mutation. Suivant la courbe oblongue du rythme, il étend ses pleurnichements comme cette superbe mélodie cosmique autour de la 6ième minute. Subdivisant sa présence, il souffle de très beaux solos ambiants comme il façonne des phases harmoniques qui nous amènes à craquer sur place lorsque ce titre d'ouverture à IGNEOUS entreprend sa 4ième mutation un peu avant la 8ième minute où Traversing the Change trônera en maitre dans nos oreilles. WoW!!! Tout un départ! J'ai manqué mon rendez-vous avec la musique de Colin l'an passé avec l'excellent Transitional States! Il n'était pas question que je manque celui-ci qui expose une MÉ légèrement plus complexe et certainement toujours aussi envoutante. C'est lors d'un voyage en famille sur la plage jurassiques du comté de Devonshire au UK que Colin et ses filles ont été ébahis par les roches ignées. Ces roches métamorphiques au mille dessins et autant d'interprétations visuelles sont le cœur de IGNEOUS. Et bien installé avec des écouteurs, l'effet n’est pas le même sans ça, on entend, comme on peut imaginer, les formes musicales fondre en filaments pour infiltrer d'autres formes et ainsi modifier subtilement le cours de ce dernier opus de Colin Rayment. À ce niveau, Formation of Obsidian rejoint les effets de saisissement lorsqu'une roche se sent envahir par les fluides d'une autre substance rocheuse. La pièce d'ouverture aussi! Mais le titre qui correspond image pour image au concept de cet album est Rapparee Cove. De loin, le plus beau titre de MÉ que j'ai entendu en 2020!

Formation of Obsidian est un long titre évolutif qui débute avec des carillons tintant dans une mythique faune sonore. Ses brins lumineux sont remplacés par des voix de déesses esseulées où l'auditeur est constamment tiraillé par le côté mystique des ambiances, comme celui plus ténébreux qui nous guide vers un bon rock électronique. Le rythme est lourd et structuré sur un maillage de pulsations et séquences dont les textures nerveuses sont entrecroisées et des percussions qui sont les principaux guides. Un première portion mélodieuse est assumée par une guitare acoustique éthérée qui se fait remplacer par des filets de voix spectrales. Nous arrivons à un pont d'ambiances, autour de la 9ième minute. Les arpèges y scintillent alors que les pulsations séquencées vont en s'estompant. Des voix qui me soufflent quelque chose et des effets électroniques nichent dans cette zone où nos oreilles sont à l'affut de quelques manifestations sonores possibles. Des effets et des voix se font entendre. Mais c'est un calme, jeté par une ombre de synthé silencieuse où se regroupent les pulsations trépignantes. Le rythme renait avec des boucles harmoniques qui sont transpercées par de nouveaux arpèges scintillant de délicatesse. La structure en place est comme un lasso rythmique qu'un géant fait tournoyer, cherchant une emprise pour s'accrocher. Et quelques secondes avant la 13ième minutes, des riffs de guitares donnent le go aux percussions pour structurer un rythme délicieusement débalancé qui est le repaire d'une guitare et de ses solos gémissant parmi ces chants de sirènes intergalactiques. Le synthé y annexe aussi ses solos en même temps qu'un nouvel élément rythmique, shamanique cette fois, remet les pendules en suspensions pour que solos et voix suaves nous ensorcèlent un peu plus dans une finale un peu trop étirée.

Crystalline semble nous proposer les restants de Formation of Obsidian avec un piano qui recueille ces étranges soupirs de voix séraphiques qui, finalement, me font penser à A Soapbox Opera de Supertramp. Il y a des moments où elles donnent des frissons, comme ici. Divisé en deux segments, Crystalline plonge dans une douce folie un peu après les 2 minutes. Une voix shamanique reste accrochée à son évolution rythmique qui s'abreuve de la première partie, solos non inclus, de ce long titre que j'aurais bien amputé de 3 bonnes minutes. Mais au final Crystalline est ce titre idéal pour nous amener à Rapparee Cove qui est un superbe titre offrant une balance inespérée entre tout ce qui l'entoure. Son ouverture est imprimée des essences romantiques et dramatiques du style musique cosmique de France. Il y a des fragrances de Thierry Fervant plein cette introduction cousue dans une intensité qui ira en amplifiant. L'écoute de sa progression nous fait entendre de superbes effets percussifs comme spectraux avec des gémissements d'un synthé qui a dérobé les ondes Martenot sur une chevauchée rythmique nouée autour de cette texture séquences /basses-pulsations. Ces gémissements prennent possession des voix pour nous donner la chair de poule pendant de longues secondes. En fait, tout est conçu dans Rapparee Cove pour étamper des frissons tout au long de son parcours qui m'a littéralement scié les jambes dans sa dernière portion. Titre pour titre, c'est un des plus beaux que j’ai entendu cette année. Un grand fan de Tangerine Dream des années Schmoelling, Colin Rayment a réussi à amener ses influences dans IGNEOUS sans qu'elles ne paraissent… Sauf pour Skimming Time qui sort du nid avec des parfums de Logos Part 2 tout autour de lui. Sa lente progression est nourrie de ces accords zigzagant dans le mysticisme avant de s'agripper à cette fascinante texture de rythme stationnaire a qui il ne manque que les percussions.

La force première de ce IGNEOUS est de posséder sa propre texture sonore. On oublie la parallélisme trop évident dans l'ouverture de Skimming Time pour se concentrer sur les 55 autres minutes de cet album rempli de filaments vocaux, représentant ces fluides organiques qui envahissent un corps dur, qui sont sources de frissons et d'émotions lorsque jumelés à des rythmes en constant mouvement. Un excellent album qui saura vous captiver pour je ne sais pas combien de temps, mais pour un bon bout de chemin!

Sylvain Lupari (11/12/20) ****½*

Disponible au SynGate Bandcamp

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