“ Different Skies est une belle surprise, une belle découverte remplie de splendides parfums soniques. Un voyage dans le temps où la ME brille encore de de tous ses atouts”
1 Different Skies I 6:43
2 Different Skies II 4:38
3 Different Skies III 5:40
4 Different Skies IV 6:18
5 Different Skies V 5:24
6 Different Skies VI 6:24
7 Different Skies VII 6:21
8 Different Skies VIII 5:54
Frank Ayers Music (CD/DDL 46:37)
(Cosmique, astrale et mélodieux)
Ça fait longtemps que j'en parle; la France devient peu à peu la nouvelle plaque tournante de la MÉ, un peu comme la Pologne l'était au tournant des années 2000. Il y a de superbes artistes qui émergent constamment. Je pense à Sequentia Legenda, Pharamond (Sylvain Mazars), Kryfels et maintenant Frank Ayers. Il y a aussi les vieux de la vieille comme Olivier Briand, Christian Piednoir, MoonSatellite et Bertrand Loreau qui de temps en temps viennent surprendre nos oreilles avec des œuvres toujours à l’affût des nouvelles tendances contemporaines nappées des vieux parfums analogues. Ça c'est sans oublier la MÉ expérimentale qui reste l'orgueil de l'art électronique français (on se souvient de Messe pour le temps présent de Maurice Béjard?). Et où se situe DIFFERENT SKIES ? Loin de l'expérimental. En fait Frank Ayers se fait mélancolique et remarquablement romantique avec une œuvre cosmique où Vangelis, pour la mélancolie, Jarre, pour les rythmes et ambiances cosmiques, Klaus Schgulze, pour les rythmes minimalistes en saccade et finalement Tangerine Dream, pour l'approche très mélodieuse des années Schmoelling, ravissent nos oreilles dans ce que j'appelle un délicieux festin sonique. Dès les premiers coups de vents astraux de "Different Skies I", on admet la maîtrise du genre New Age de Frank Ayers sur sa vision des harmonies électroniques. Le ton est chaleureux. J'ai des flash de Nik Tyndall qui éclairent mes oreilles. Le mouvement est céleste avec de paisibles larves de synthé qui s'entrelacent et chatoient dans l'écho des quelques tintements d'arpèges dont les reflets de prisme se dorent au soleil. Nous sommes dans le ciel des dieux. DIFFERENT SKIES est une immersion dans les cieux inconnus. Un voyage astral inspiré par les paysages soniques éloignés et énigmatiques qui eux sont puisés dans l'imagination des livres des auteurs de science-fiction comme Arthur C.Clarke et Frank Herbert. L'approche est très douce, très musicale avec de sinueuses lignes réverbérantes qui serpentent parmi des étoiles prismiques, des grelots cosmiques et des orchestrations oniriques qui rappelleront les premières œuvres de Kitaro. Un langage synthétisé parfume les océans astraux avec de délicats solos qui éveilleront des souvenirs de Tim Blake. Des solos qui tout doucement détournent les paisibles ambiances de "Different Skies I" vers un rythme fragilement séquencé avec des ions qui sautillent et se dandinent d'une oreille à l'autre, caressant les harmoniques rythmes du genre John Carpenter dans Halloween. Cette séquence de rythme minimaliste se sauve des étreintes des brumes pour danser en solitaire dans l'intro de "Different Skies II". Des ombres se détachent et dansottent avec plus de délicatesse afin de tisser une figure parallèle plus harmonique. L'effet de cascade dans les séquences est séduisant et le duel rythme/harmonie affiche une délicate intensité avec l'ajout d'une autre ligne de séquences ainsi que des pulsations de séquences basses. Une intéressante figure de rythme ambiant se met alors à brasiller, comme à résonner sous des nappes de synthé errantes et des brises un brin nasillard. Nous sommes encore à l'orée de DIFFERENT SKIES et tout s'harmonie avec délicatesse. Puis vient le très ambiant et cosmique "Different Skies III". Les nappes de synthés flottent paresseusement dans des brouillards cosmiques qui me rappellent un peu l'univers de Thierry Fervant. Ce lent mouvement ambio-cosmique sert de pont entre le délicat rythme de "Different Skies II" et celui de "Different Skies V" qui est plus vif et savoureusement séduisant avec ces lignes de séquences qui courent et trébuchent dans une figure toujours assez ambiante. Des nappes de voix et de beaux solos, sifflotés par des brises très chaleureuses, nous convient à un festin des belles années analogues alors que le rythme offre toujours ces spirales ascensionnelles où des ions courent à contre-courant, forgeant ces paradoxes rythmiques si uniques à la Berlin School. La course s'arrête un peu après la 4ième minute, plongeant "Different Skies IV" dans un beau passage onirique et relaxant avant que "Different Skies V" ne fouette nos oreilles avec une structure de rythme vive et saccadée. Les ions s'agglutinent, sautillent sur place avec furie et pilent sur leurs ombres dans un genre de staccato cosmique plein de pièges et d’embûches. Les serpentins de séquences et les saccades spasmodiques défilent dans un décor astral (entendez-vous ces gongs?) qui est nappé de ces brumes stellaires, de ces dialogues intergalactiques et d'effets cosmiques où Jarre et Baffo Banfi se sont donnez rendez-vous (vous vous souvenez de Earthstar?) dans un ciel sonique saupoudré de délicats solos de synthé. Frank Ayers voulait absolument faire un retour vers un l'âge d'or de la musique électronique et il n'est pas passé à côté du but, ça c'est certain. On nage en plein bonheur ici. "Different Skies VI" nous amène à un autre niveau de contemplativité avec des aurores boréales soniques qui bariolent un horizon fracturé par des roulements de tambours, des accrocs de percussions métalliques mais délicieusement orné d'étoiles prismiques dont les chants solitaires se perdent dans les longs abysses de la nuit. C'est là que "Different Skies VII" fait sursauter nos oreilles avec un rythme vif et strident qui s'accouple avec une ligne légèrement moins perçante. S'ensuit un étrange ballet aux oscillations écourtées de mouvements vifs. On dirait une continuelle ruade allégorique où les séquences scintillent et miroitent dans des figures inégales. Des nappes aux charmes métallisées ajoutent une dimension électronique très TD à ce rythme qui fait bouger plus les idées que les membres mais qui reste délicieusement entraînant. Les ruades s'essoufflent et "Different Skies VII" étreint un bref moment d'ambiances nébuleuses avec des vents, des crissements, des hurlements de tôle froissée ainsi qu'une panoplie d'éléments cybernétiques et d'effets électroniques assez avant-gardistes qui rappellent toute la richesse et les frontières de l'art électronique. Richesse qui éclate encore plus violemment dans "Different Skies VIII" et sa structure de rythme saccadée. Ambiant, ce rythme tressaille avec un alignement de cerceaux lumineux qui entrechoquent leurs ombres stroboscopiques sous les pulsations laconiques d'une séquence basse. La structure sonique resplendit des fragrances de Vangelis et Tangerine Dream avec des roulements de percussions, des souffles babyloniens, des serpentins, des lamentations et des lignes de synthé ornées de moderniste qui épousent la folie de ce staccato électronique dont les fines nuances évitent les pièges de la redondance. Et ça se termine dans des bancs de brume, consolidant encore plus la vision de Frank Ayers qui offre en DIFFERENT SKIES un subtil mélange des genres et des époques. Un très bel album musical que vous écouterez encore dans 10 ans.
Sylvain Lupari (29/01/15)
Comentários