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Writer's pictureSylvain Lupari

LA PONTO ENSEMBLO: Eniwetok Suite (2021) (FR)

Le déséquilibre entre sa beauté et sa destruction est plus violent que le message véhiculé en musique

1 I Black Sand 10:14

2 Knee Play 1 (a theme) 3:54

3 II Fragrant Clouds / Synchro Set Up 7:46

4 Knee Play 2 (a feeling) 3:51

5 III Light Anthem 7:15

6 Knee Play 3 (dust) 9:19

7 IV Synergy and Silence 8:08

(CD-R/DDL 50:31)

(Neo-classical, Avant-gardist EM)

On peut dire que SynGate a de la suite dans les idées! Après un album croustillant d'effets sonores à faire peur, Pete Farn-Sweet Metal, le label Allemand nous propose un autre univers sonore qui reste dans les sphères de l'avant-gardiste. La Ponto Ensemblo est un nouveau duo qui regroupe Hans-Dieter Schmidt, de Imaginary Landscape et Bridge To Imla, au musicien Américain E-Clark Cornell. Les deux artistes sont attirées par le néo-classique et la musique expérimentale. ENIWETOK SUITE est un album dénonciateur de ce qui s'est passé à Eniwetok, non loin des îles Marshall, lors des essais de bombe hydrogène des États-Unis. D'un côté il y a la beauté brute de l'atoll. Et d'un autre, nous avons les terribles capacités destructrices des armes nucléaires. Mais … il y a une beauté effrayante et surréaliste à ces explosions. Et c'est de façon admirable que La Ponto Ensemblo a mis ça en musique.

L'utilisation d'instruments traditionnels est au cœur des charmes de I Black Sand. Des échantillonnages d'eau vive nous téléportent à son ouverture qui séduit avec une belle ode flûtée dont les brises font chatoyer les carillons ornementaux. Le décor tonal est splendide où le sable fin reçoit d'une tribu fictive et de son brouhaha dansant avec le lever du soleil. Une couche de voix fredonne dans les parfums d'orchestrations orientales alors qu'un élément de stridence survole ces ambiances paradisiaques. Même si ambiant et acoustique, il y a un niveau d'intensité qui s'accroche à un sourd mouvement de rythme. On dirait des riffs d'ambiances coulant par saccades imitant les cascades fondues dans le décor. Des tintements et des larmes de violons chinois ajoutent une profondeur cinématographique à une ouverture où tous les éléments d'une nature matineuse nous dégage constamment de cette tension. La suite dans ENIWETOK SUITE est interrompue par des intermèdes; les Knee Play. Le premier fait entendre des orchestrations qui ont un intime lien avec le titre d'ouverture de l'album. Violons et violoncelles sont déchirant d'émotions ici sur Knee Play 1 (a theme). Tout de suite les riffs acoustiques de II Fragrant Clouds / Synchro Set Up font sursauter. L'effet d'écho trappe des voix célestes qui deviennent prisonnières des accords de clavier tombant sèchement dans cette spirale où la dissonance flirte avec l'avant-gardiste. Des jets de flûte se perde dans ce dédale de rythme qui se dissout dans la tendresse d'instruments orientaux. L'influence de Philip Glass est reconnaissable dans ce titre qui tombe sous le courroux de percussions tapageuses et de curieux effets de voix gonflées dans les gaz de l'irréalisme.

Knee Play 2 (a feeling) injecte une dose de musicalité New Age qui fait bon entendre. Un New Age progressif certes mais qui reste dans le domaine de l'écoutable de bout en bout. J'écris écoutable, car ENIWETOK SUITE a cette curieuse manie de semer le vent et de récolter sa tempête. Comme dans l'ouverture de III Light Anthem qui allie la tendresse de ses cordes à une belle chorale dont le piano ensevelie dans un mélodieuse approche qui lutte contre la croissance de violons dont la vision sibylline jette une autre ancre de discorde qui est difficile si on cherche la tranquillité. Il ne faut pas oublier non plus l'essence de cette œuvre qui nait dans la brutale beauté des essais nucléaires sur un paradis terrestre. Knee Play 3 (dust) nous le rappelle avec un premier 4 minutes séraphiques avant qu'une lourdeur s'installe avec un goût de métal fondu dans les braises des frottements d'archets sur les cordes de violons et violoncelles. C'est le genre d'univers de discordance qui fait saigner ma patience. Dois-je aller au bout? Et pourquoi pas! Surtout que IV Synergy and Silence est le plus beau titre de cet album dont le constant tiraillement et les chemins paradoxaux respectent les logiques de ses dénonciations.

Considérant son terrain de jeu, ENIWETOK SUITE est un album qu'il faut entendre les oreilles rivées sur son histoire. Le déséquilibre entre sa beauté virginale et sa destruction par des conquérants sans scrupules est plus violent que le message véhiculé en musique. Dans ce mélange de Kitaro, Mike Oldfield et Philip Glass, La Ponto Ensemblo réussit plus souvent à nous émouvoir que son contraire.

Sylvain Lupari (07/02/21) ***¾**

Disponible au SynGate Luna Bandcamp

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