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Writer's pictureSylvain Lupari

MiDi-BiTCH Machina (2023) (FR)

Machina est conçu dans une vision pessimiste d’une société qui évolue vers sa déchéance

1 In Medias Res 4:31

2 Ipso Facto 6:46

3 Verum Factum 4:31

4 Damage Beyond Repair 6:24

5 Darkroom 6:53

6 Multidimensional Absence of Light 6:41

7 Carentia 3:29

8 Cave Parable 9:18

9 Progress is a Bitch 6:28

10 Matroshka 5:45

11 Abyss 5:24


12 Darkless // Dust & Ashes 4:56

(DDL 71:11)

(E-Rock Dark Synth Music)

Je suis devenu un grand fan de MiDi-BiTCH! Comment ne pas le devenir d'ailleurs? Fredy Engel aligne de séduisants albums où le modèle Berlin School traverse les frontières de la musique de danse dans une enveloppe musicale souvent post-apocalyptique, sinon industrielle, parfois avant-gardiste mais toujours avec le but ultime de séduire nos oreilles avec une vision mélodieuse qui étonne autant que détonne. Ce sont exactement les ficelles de MACHINA. MACHINA pour machine, homme, artificiel, intelligence, motorik, cosmos, rituel, prière, obéissance et trans-humiliation. Les bases, telle que décrites par MiDi BiTCH, qui solidifient les rythmes noirs, pulsatoires et résonnants d'un album de musique électronique (MÉ) qui flirte avec une vision très sombre. Une vision qui met à profit les thèmes de Engel dans une enveloppe cinématographique où la peur et la dystopie se lient de complicité.

Un rythme pulsatoire et motorik, genre Kraftwerk sans la membrane robotique, est à l'origine de In Media Res qui déploie sa lourde masse de MÉ entrainante dans un fluide mouvement circulaire. À l'origine, des bourdonnements d'abeilles géantes ornaient la gravité rythmique de son introduction. Ils sont remplacés assez tôt par des cerceaux lumineux dont la forme floue tisse une vague approche mélodieuse qui s'apparente à une mélodie fredonnée par un spectre électronique et son timbre chevrotant. Comme sur la majorité des titres de MACHINA, le rythme repose sur un séquenceur en mode multiligne d'où émerge une ligne plus mélodieuse, j'aime sa croissance en zigzag, qui croise les univers de Tangerine Dream, j'écrirais plus de Edgar Froese, et du célèbre groupe de Düsseldorf. Les percussions électroniques sont plutôt discrètes, de même que les effets sonores, MiDi BiTCH se concentrant sur un rythme aussi entraînant que mélodieux. Lent et pesant, Ipso Facto est le premier titre à présenter ces séquences noires et résonnantes pour un rythme circulaire et zigzagant dans une oblongue forme saccadée, légèrement stroboscopique. Connaissez-vous ça un ver-d'oreille tout en rythme? C'est la structure de Ipso Facto dont la fine texture organique rappelle l'univers de caquètements intersidéraux de Robert Schroeder. Le synthé lance des nappes qui s'étiolent en versets fumigènes. Il manigance de bons arrangements et des effets spectraux, on y entend des murmures, sur cette structure de rythme qui résonne parfois comme si elle était plantée par un Moog. Verum Factum suit avec une structure nettement plus enlevante. Une des plus tourbillonnantes de l'album. Ça me fait penser à la course rythmique de P'Cock dans House in the Storm. Le séquenceur, sombre et résonnant, martèle un rythme linéaire pulsatoire où se greffent des effets de cliquetis et des lignes adjacentes qui stimulent nettement la vélocité de ce rythme infernal. C'est du rythme pur et dur qui laisse une infime part au synthé et à ses gémissements qui planent comme des anges déchus sur les périodiques ascensions zigzagantes et les pointes de rythme plus rapides du titre. Moins rapide mais très efficace, Damage Beyond Repair est une vrai machine à rythme qui ensorcèle les sens. Noires et résonnantes, les basses séquences ont une lointaine texture organique, on dirait des croassements cadencés, et sont soutenues par des percussions dont certains coups, ajoutés ici et là, surdimensionnent une profondeur rythmique qui nous en met plein les oreilles. Mais ce n'est pas tout! Derrière cet impressionnant pattern rythmique se cache une ode mélodieuse lointaine qui est fredonnée, murmurée et sifflotée par un synthé qui y tisse aussi de bons arrangements créateurs de petits frissons d'abandon. Un excellent titre qui devient obsédant! Darkroom nous dirige vers un hymne de danse électronique conventionnel. Le rythme résonne et son voile de réverbération dissimule une voix luciférienne. Les cerceaux sonores se multiplient et s'entrechoquent, ajoutant un reflet bleuté industriel à cette mer de rythme rouge-noir. Le bordeaux des enfers! Nous sommes dans l'antre de la EDM gothique. De la Techno chtonienne, alors que la musique explore un passage plus modéré, mais toujours noir, avant de revenir à sa base de rythme pulsatoire défonceur de tympans. Ça doit être infernal sur une piste de danse!

Si on aime les éléments percussifs organiques, ils entourent le rythme désorganisé de Multidimensional Absence of Light. La structure est en constante incertitude, rythme et non-rythme, avec un duel de mitrailles de percussions qui découpent le débit des séquences en mode DJ qui veut faire de la musique de danse. La texture caoutchouteuse qui enveloppe cette chamaille cadencée est tout simplement délicieuse pour des tympans avides d'effets sonores. Ici aussi des voix s'élèvent, on dirait une messe ou un rituel macabre très théâtral, de cette structure hésitante qui est violement entrecoupé par des spasmes contractés. Ces secousses rythmiques inopinées élèvent une vision de rock post-apocalyptique dans une première partie qui sert de carburant à une seconde partie légèrement plus fluide. On entre par la suite dans la phase plus atmosphérique de MACHINA. Carentia suit en épousant le même modèle Multidimensional Absence of Light, au niveau des ambiances théâtrales, dans un contexte rythmique moins dominant mais tout aussi hésitant. Disons que la musique possède une belle profondeur cinématographique. Plus long titre de MACHINA, Cave Parable exploite ses 9 minutes dans une longue phase atmosphérique futuriste qui respecte le sens (homme-machine-motorik-rituel-obéissance-transhumilation) de ce nouvel album-téléchargement de MiDi BiTCH. Il y a du bruit, des éléments percussifs, des séquences qui sautillent comme un serpent-lego, et beaucoup d'atmosphères qui flirtent entre les deux mondes dans ce titre. Progress is a Bitch est un autre titre atmosphérique avec une pluie mécanisée qui ensevelie le panorama dystopique d'une ancienne citée industrielle. Des éléments percussifs, comme des coups de basses pulsations, de percussions et/ou des lignes de séquences qui arrondissent le dos, ornent aussi ces ambiances nappées d'une texture stéatite. Des vents hurlants et sifflants sont à l'origine de Matroshka. Des nappes de synthé installent un climat ténébreux d'où s’élèvent des voix et s'extirpent des coups de percussions sans direction rythmique. Le séquenceur fait onduler une ligne de basses séquences dans ce décor qui se remplit d'éléments percussifs qui y dansent la claquette. Les arrangements, qui ont une touche de Vangelis dans Blade Runner, amènent un bon niveau d'intensité angoissante dans une musique qui inspire une vison cinématographique futuriste et sombre. L'ouverture de Abyss est aussi tissée dans cette vision. Son rythme éclot autour de sa 20ième seconde avec un lent mouvement circulaire du séquenceur. Le timbre est noir et résonnant, en symbiose avec les nappes de synthé qui ont un air funeste. Une essence de trompettes des ténèbres n'est pas étrangère à cette sensation. Les arrangements tissent aussi un niveau d'intensité qui est assez près de celui dans Matroshka. La musique et les ambiances reflètent assez bien les dimensions du titre. Le rythme est lourd, lent et entraînant comme une danse de zombies défoncés au Fentanyl. Il est en mode Arc et/ou Redshift. Et c'est plus tangible ici qu'ailleurs dans MACHINA qui s'en nourrit assez bien au niveau de la résonnance des séquences. Des échantillonnages de voix ajoutent un soupçon de musique rituelle à cette lente ritournelle rythmique conçue en une lente spirale. Les synthés divisent assez bien la profondeur de Abyss avec une essence de trompette apocalyptique et d'harmonies orchestrales sibyllines aussi mélodieuses que dans Damage Beyond Repair. Darkless // Dust & Ashes met un terme à cette fascinante odyssée de MACHINA sur une structure de rythme qui sautille légèrement dans un décor de grisaille. Bien que morose, les ambiances sont moins sombres, certainement à cause des pépiements d'oiseaux qui rayonnent dans un univers musical où le synthé laisse planer des nappes et des mélodies gémissantes, et où que des voix semblent réciter des prières.

Au final, MACHINA peut sembler moins séduisant que l'excellent Sequenz qui n'avait aucune faille. Mais comparons des pommes avec des pommes! Ce dernier album de MiDi-BiTCH est conçu dans une vision pessimiste d'une société qui évolue vers sa déchéance. À cet égard, tout concorde avec la vision de son auteur-compositeur qui propose une autre enveloppe de MÉ de style gothique industrielle submergé par la puissance et la lourdeur des rythmes et par la densité théâtrale de ses arrangements.

Sylvain Lupari (26/08/23) ****¼*

Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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