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  • Writer's pictureSylvain Lupari

PHARAMOND: Orbis Tertius (2014) (FR)

“Un premier album très fort; Orbis Tertius a tous les ingrédients pour plaire au plus gourmand fan de Berlin School vintage”

1 Hidden Scheme 14:07 2 Idéal 4:05 3 Uqbar 14:10 4 Uqbar II 14:26 5 Tlön 15:19 SynGate | CD-r SM01

(CD-r/DDL 62:10) (Vintage Berlin School style)

Lorsqu'un passionné de MÉ devient journaliste/blogueur et qu'un journaliste/blogueur devient musicien, cela donne Pharamond. Pharamond c'est Sylvain Mazars, ce fameux éditeur du très couru blog francophone sur la MÉ ::: musique et médias en Allemagne et ailleurs. Il vient de lancer un premier album tout à fait étonnant; ORBIS TERTIUS. En plus de ses structures en constante évolution, la principale force de ORBIS TERTIUS est de ne ressembler à rien. Certes il y a de petites influences perceptibles, notamment la période Green Desert de Tangerine Dream et les rythmes hoquetants de Pyramid Peak. Mais pour ce qui est du reste, la signature de Pharamond est tout à fait unique. Un haut fait d'arme lorsque l'on sait comment le genre Berlin School est constamment assailli avec les empreintes des grands qui en ont fait sa renommée. Et par plusieurs autres après.

Hidden Scheme débute avec un long parcours qui profite de ses 14 minutes pour offrir une séduisante structure évolutive qui garde constamment l'auditeur sur le qui-vive. Des pishh à la Tom Sawyer (Rush), un peu comme un géant qui déambule dans une mare électrique, en ouvrent ses premières secondes. Des accords dressent les pans d'une mélodie électronique vaporeuse sur un rythme lourd et lent. Le synthé badigeonnent les ambiances d'une aura éclectique avec des nappes qui flottent sur une structure de rythme qui fuit déjà sa première membrane pour s'enfuir avec une ligne de basses séquences et ses ions qui courent pour frapper un mur invisible. Il n'y a pas 5 minutes au compteur que Hidden Scheme apporte une troisième peau à sa structure. Avec ce premier titre Pharamond déstabilise toute tentative d'écoute passive. La structure de rythme étale une série d'ions qui s'agglutine et courent dans un schéma de rythme qui, par moments, roule à un train d'enfer et d'autres moments avec plus de passivité. L'illusion d'être sur un rail à bord d'un train rythmique abreuve notre intérêt qui croisse avec les effets électroniques, les percussions teutoniques, les nappes de synthé à la Green Desert et de suaves solos qui se faufilent entre les chœurs et les multiples clochettes qui éveillent constamment l'appétit musical. J'aime cette versatilité qui nourrit les 14 minutes de Hidden Scheme, un qualificatif qui s'applique fort bien à l'ensemble de ce premier album de Sylvain Mazars. Un serpentin de séquences se jette sur une ligne de basse un peu groove. Des percussions électroniques structurent le rythme teutonique de Idéal qui charme avec cette mélodie gravitationnelle soufflée par des séquences aux tonalités de verre et de leurs ombres qui se détachent de la ligne de séquences pour offrir une tonalité plus nuancée, donnant un effet de paradoxe à une comptine électronique où de suaves solos de synthé flottent comme les gardiens de l'harmonisation. Après ce court titre, nous revenons dans l'univers artistique très polyvalent et changeant de ORBIS TERTIUS. Comme en fait foi cette délicieuse introduction de Uqbar où chuchotements initiaux, harmonies d'un clavecin torturées de friture et flûte qui rêvasse au soleil nous plonge en plein cœur du Moyen-âge. Cette portion tout à fait inattendue se fond merveilleusement bien à un superbe mouvement de séquences dont la marche fantomatique épouse le mouvement du clavecin. D'autres ions culbutent et trébuchent dans une délicieuse chorégraphie rythmique qui rappellera l'ingéniosité de Chris Franke et qui pétille sous les larmes d'un synthé aux harmonies spectrales aussi pleureuses que celles plus discrètes d'un violoncelle aussi songeur qu'effacé. Ce qui nous semblait linéaire devient circulaire avec une ritournelle cadencée qui tournoie sous les caresses d'une flûte aux harmonies limpides et d'un violoncelle aux harmonies taciturnes. Le rythme devient cahoteux. Frictionnant ses séquences scintillantes à d'autres plus basses, il épouse une marche plus saccadée avant de prendre une autre direction, aux alentours de 7 minutes, avec une course d'ions oscillateurs qui virevoltent dans une forme de ballet rythmique sphéroïdal. Ce mouvement frise un genre de paranoïa avec des voix et des lignes de synthé qui zigzaguent sur un nouveau pattern de mouvement de séquences limpides plus harmoniques. Uqbar plonge alors dans une zone de turbulences, tant rythmiques qu'harmoniques, avec des brises de synthé à la Edgar Froese, des ions qui papillonnent, des murmures de schizophrènes et une discrète chorale qui nous amène vers une finale nourrie d'effets sonores dramatiques, de nappes de synthés ponctuées de chants spectraux, de frétillements d'une vie organique et de beaux solos qui roucoulent dans un univers abstrait qui se rapproche un peu de Vangelis. Après une telle première partie, qu'attendre de la deuxième?

Eh bien ça commence par un piano plus joyeux que nostalgique. Ses harmonies dansent dans de discrets chants de flûtes. Le mouvement du piano devient plus classique. Un genre de classique contemporain où les lignes harmoniques roucoulent et s'entremêlent dans un étrange ballet champêtre. Une ligne pulsatrice fait bondir un ion à répétition dans des nappes de synthé ondoyantes. Une ombre se détache et hoquète. Une autre séquence brandit un ion plus limpide qui sautille d'un pas saccadé. Le rythme devient linéaire. Il sautille sur place avant d'être emporté dans une spirale stroboscopique où sifflent de beaux solos sous les coups de percussions robotiques. C'est très près de Tangerine Dream des années Green Desert, surtout la finale très ambiante. Et comme rien n'est jamais vraiment coulé dans le béton sur ORBIS TERTIUS, le rythme se perd dans une brume où errent des percussions feutrées et une pulsation de locomotive embrumée. Les ambiances étendent des lignes de synthé ondoyantes alors que le rythme persiste dans ses battements faiblards. Une autre ligne de séquence émerge et ramène le rythme dans une chorégraphie plus stable avec des ions qui frappent des coups de ciseaux sur une structure devenu boulimique avec ces roulements de percussions qui donnent une allure militaire à Uqbar II. Et ce malgré tous ces solos qui virevoltent et finissent par étouffer la rébellion. Tlön conclut cet album avec une longue intro ambiante avant de fournir un rythme sombre qui palpite à coups feutrés sous les vols planés des nappes de synthé. J'entends, mais faiblement, Stratosfear de TD.

Voilà un très bel album qui a tous les ingrédients pour plaire au plus exigeant fan de MÉ de style Berlin School vintage. Sylvain Mazars affiche une étonnante maturité et un sens de l'écriture qui est assez déconcertant avec tous ces revirements musicaux qui apportent l'auditeur dans son paradis sonique. Une très belle surprise! Avec ses structures en continuel éveil, ses rythmes qui ont une savoureuse odeur d'analogue et son enveloppe électronique très près des terroirs psychédéliques des années vintages, ce premier album de Pharamond est une véritable trouvaille et une mosaïque de charmes.

Sylvain Lupari (29/10/14) ****½*

Disponible au SynGate Bandcamp

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