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  • Writer's pictureSylvain Lupari

RENE de BAKKER: Passing By (2022) (FR)

Un puissant album où le déséquilibre entre la raison et l'aberration est dépeint avec émotion

1 Nerdisch 13:14

2 Ecanon 8:30

3 Passing By 17:56

4 Slow Steps 10:54

5 Fading Mind 17:23

(CD/DDL 67:58)

(Ambient Berlin School)

Habitués que nous sommes à des albums cartésiens de Rene de Bakker, ce PASSING BY risque de surprendre, même de décevoir aux premières écoutes, avec une approche nettement plus complexe. Complexe comme le déséquilibre mental qui s'installe au fil des années. Complexe comme la démence, cette maladie qui fait disparaître peu à peu notre identité jusqu'à perdre les raisons de ce qu'on a sacrifié pour arriver là où nous voulions être et aboutir à ce diagnostic. Ce nouvel album du musicien Hollandais est le reflet de cette lutte contre la maladie de son père. Un puissant album où le déséquilibre entre la raison et l'aberration est dépeint avec émotion.

C'est avec des arpèges se gambadant dans les complexités rythmiques du séquenceur que s'ouvre Nerdisch. Le mouvement est cristallin, avec des ombres de basse et de basse-séquences ainsi que l'écho de ces arpèges qui accélèrent graduellement la cadence. Hyperactif pour les neurones, ces accords séquencés se plaisent dans une structure libre de contrainte rythmique, privilégiant des sauts et des chocs aléatoires. La mathématique rythmique prend le dessus lorsque subtilement la basse devient plus affamée et se joint à des percussions quasiment invisibles. Les amoureux des séquences et de ces courtes séries chaotiques et saccadées à la Chris Franke sont à la bonne place dans ce PASSING BY qui exploite différentes facettes rythmiques qu'un séquenceur peut offrir dans un univers de musique électronique (MÉ). Une légère brume orchestrale parfume ce chassé-croisé rythmique statique et circulaire où se greffent d'autres arpèges ayant une ouverture plus mélodieuse que rythmique. Si Nerdisch a séduit d'emblée, c'est plus difficile avec Ecanon. Même avec son bouquet aux senteurs de Klaus Schulze, période Dreams. Son départ est lent avec un violoncelle qui étire ses lamentations accablantes sur un lit de violons compatissants. Ces orchestrations se transforment en un lent mouvement de valse qui tournoie inlassablement avec les tintements de cordes pincées sèchement jusqu'à ce que le séquenceur s'éveille autour de la 4ième minute. Le mouvement est comme une tornade naissant du sol qui s'élève comme des volutes spasmodiques dans les élans d'une basse aux résonnances et aux étreintes dramatiques. Dans un méli-mélo des genres, des orchestrations et des souffles de synthé, résonnant comme des trompettes, sont aspirés par cet essaim sonore tournoyant qui en annihile la confusion afin de laisser le séquenceur faire folâtrer ces séquences un peu folles qui disparaissent comme les vents après une tempête. Nous arrivons à la longue pièce-titre et son ouverture secrète où les vents murmurent sur le lit d'un séquenceur en plein éveil. Une superbe procession ascensionnelle en émerge et serpente un panorama où quelques accords tintent comme des appels perdus en pleine forêt. Ce mouvement accélère peu à peu la cadence avec quelques percussions tambourinées par des mains invisibles, alors que le synthé épivarde ses harmonies qui déambulent comme des souvenirs à la dérive. Empruntant les mirages de Klaus Schulze, Passing By flirte avec la perfection d'une structure minimaliste où les charmes y sont déposés secrètement. Une ligne de basse renouvelle l'apport rythmique du titre qui devient un splendide Berlin School quelques secondes après la 9ième minute. Le synthé multiplie ces souffles et ces effets qui sonnent tellement comme des éléments discordants dans cette magnifique spirale magnétisante en même temps que des harmonies flottantes qui font contrepoids à cette insanité temporaire. Du grand art mes amis!

Il ne faut pas se fier à l'ouverture quelque peu déstabilisante de Slow Steps. Après une première minute tumultueuse, la musique se révèle être une somptueuse ballade lunaire avec le mouvement ondulant du séquenceur et de ses ions flottant dans une brume harmonieuse. Derrière ce carrousel pour esprits perdus, le synthé élabore ce subtil combat entre les abysses et l'espoir. Notamment avec des pointes d'émotivité qui transpercent une possible carapace d'insouciance en écoutant cet autre beau titre de PASSING BY qui s'auréole de beaux arrangements d'orchestrations cosmiques. On peut difficilement expliquer Fading Mind. Il faut l'entendre! Orchestrale, son ouverture caresse nos oreilles sur une distance de 5 minutes. Le séquenceur y tisse des volutes évanescentes qui vont et viennent pour finalement prendre un envol rythmique sédentaire vers cette 5ième minute. Une nappe de basse ajoute de la profondeur à ce décor où tout ce qui vient disparaît quasiment aussitôt, hormis les somptueuses nappes orchestrales d'un synthé qui libère par moments des morceaux d’harmonies dont les boucles se fanent aussitôt dans les brumes lunaires du titre. Un peu long? Possible! Sauf que notre cerveau est ailleurs, errant dans ces espaces brumeux où tout ce qui vient disparaît aussitôt. Comme ces derniers instants dans la vie de somnambule d'une personne atteinte de Alzheimer.

Il faut se mettre dans la tête du compositeur pour pleinement apprécier le dernier voyage de Rene de Bakker, comme celui de son père sans doute. Flirtant avec une MÉ sans vie mais pleine de ressources émotives, PASSING BY, offert en CD manufacturé comme en téléchargement par le label Hollandais Groove nl, est ce genre d'album qui s'écoute seul avec nos souvenirs avant qu'ils disparaissent dans le brouillard de nos mémoires.

Sylvain Lupari (14/04/22) *****

Disponible chez Groove nl

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