“Un autre bel album de Son Of Ohm à qui on ne peut rien reprocher. Si ce n'est qu'il est trop confortable dans sa zone de confort”
1 Telefunken Baby! 12:52
2 Endlos 15:49
3 Third Rock 24:29
Son of Ohm Music (DDL 53:12
(Berlin School, Krautrock)
Une bulle qui éclate et fait réverbérer ses ombres en une multitude d'oscillations indisciplinées. Un riff de guitares qui répète son acte de naissance en boucles. Pour Leonardo Wijma, la recette est simple et drôlement efficace. Et surtout gagnante! Défiant la règle de la redondance des structures minimalistes, Son Of Ohm construit son art en y apportant ces ingrédients des années de rock psychédéliques dont le magnétisme a survécu au temps. Une ligne de basse structure une base de rythme hésitant alors que la bulle d'ouvertures continue de projeter des pépiements électroniques. C'est à tâtons que Telefunken Baby! sort de son lit cosmique pour s'agripper à nos haut-parleurs. La sonorité 24 bits projette son impact ici, à l'embouchure de nos enceintes acoustiques. Et nous sommes toujours dans ce pattern de MÉ des années 70 avec une structure répétitive où se couchent des nappes de synthé endormitoires et des ondes de clavier avec une touche d'harmonie extra-terrestre. Les effets sonores continuent de constituer ces bulles qui se mutent en pépiements ou en chauve-souris soniques qui aiment frôler nos oreilles. Une deuxième de riffs injecte une dimension sonore plus étanche tout en sculptant ces solos éthérés avec des effets de fuzz wha-wha qui semblent vouloir établir un dialecte avec nos sens. ZEITGEIST est le deuxième album de Son Of Ohm en 2019. Suivant la route entreprise avec Paradigma, celui qui incarne aussi Leonardo Soundweaver sur l'échiquier du rock cosmique a utilisé la technique improvisation en direct de son studio pour enregistrer les bases de son dernier album. D'où cette sensation de promiscuité entre le compositeur Hollandais et son public. Et Son Of Ohm ne déroge pas de sa zone de confort en flirtant avec les sonorités des années 70 alors que Manuel Göttsching hypnotisait bien des oreilles avec ses boucles de guitare qui continuent de rouler dans les labyrinthes du temps.
Boucles qui sont omniprésentes dans le rock psychédélique qu'est Endlos et qui, sous la torture des doigts de Son Of Ohm, se transforment en suaves solos harmoniques. Si les percussions, qui ont été ajoutées lors de la session suivante, donnent cette touche de Krautrock, la guitare exorcise ses charmes avec une approche de dédoublement fusionnel où solos, riffs et harmonies arrivent de partout. On se croirait dans les territoires d'Ashra Tempel ici. Third Rock vaut l'achat de ZEITGEIST à lui-seul! Ce long titre au caractère évolutif et hypnotique de 25 minutes, ou presque, débute avec une magnifique ambiance ténébreuse digne des films d'horreur en noir et blanc. Une onde de son étire son étrange musicalité qui tangue entre un mouvement orchestral déchu ou une possession pure et simple de l'enregistreur. Peu à peu elle se transforme en une ligne mélodieuse qui infiltre un ver-d'oreille dans cet environnement toujours près des frontières de l'inconnu. Une faune sonore entoure cette ritournelle musicale. Flirtant entre le psychédélisme ou l'électronique cosmique, elle parvient même à sculpter une autre ligne de mélodie plus tortueuse qui conduit cette laborieuse introduction jusqu'au point des 9 minutes. Third Rock prépare sa migration rythmique avec une ligne de pulsations séquencées soutenues et une autre ligne aléatoire qui s'évapore dans une évolution nettement plus en mode électronique. La guitare installe une troisième ligne de boucles rythmiques avec des riffs qui sont plus mélodieux que dans les deux premiers titres de ZEITGEIST. Les percussions arrivent autour de la douzième minute. Et leurs frappes lourdes et lentes structurent un mid-tempo attiré vers le côté plus lent, permettant un déploiement d'une armada de tonalités et d'effets qui engraisse la masse musicale de Third Rock dont les visions du Krautrock, du rock progressif et électronique deviennent une parfaite symbiose. Et cela n'écarte en aucun moment cette approche mélodieuse lente et zigzagante, avec un soupçon de danse Orientale des années 70. On peut aisément faire une juste comparaison entre certains parfums de Third Rock avec ceux d'Iron Butterfly. Un très bon titre qui justifie ses 25 minutes et qui conclut un autre bel album de Son Of Ohm à qui on ne peut rien reprocher. Si ce n'est qu'il est trop confortable dans sa zone de confort…
Sylvain Lupari (30/07/19) ***¾**
Disponible en 24 bits au Son of Ohm Music Bandcamp
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