“Laissez-vous simplement absorber par les beautés de cet album fait pour s'évader”
1 The Living Space 14:28
2 Breathing Light 7:06
3 Neomorphic 11:03
4 Shadow Realms 7:49
5 Immerse Indigo 5:54
6 The Perfection of Solitude 16:18
7 Holding Light 9:53
Bonus Digital Edition 131:08
8 Submerged 73:04
9 Isolation Station 58:04
(CD: 79:11 / DDL 131:08)
(Ambient, Dark Ambient Music)
Des billes pétillantes bondissent en tout sens pour initier The Living Space. Le mouvement de ces boules est comme l'équivalent d'un trop plein de particules qui se déversent dans un champs magnétique. L'écho de leurs entrechocs amplifie le mouvement aléatoire de ces billes aux tonalités hybrides dont la masse forme un rythme plus entraînant pour le plaisir des oreilles que pour les pieds. Toujours est-il que ça reste très céleste. Comme des étoiles qui brillent dans un ciel brassé par un maelström de couches multicolores. Des ondes de synthé se mettent à fourmiller en arrière-plan alors la présence de voix séraphiques appartient plus au pouvoir de l'imaginaire qu'à la réalité…Quoique je ne puisse nier leurs présences, notamment vers la finale. Les billes s'agglutinent dans un pattern devenu séquencé alors que cette muraille d'ondes synthétisées se déplace aussi lentement qu'un vaisseau musical à la dérive, tonalités réalistes incluses. Les billes étoilées deviennent toujours un peu plus silencieuses. L'arrière-scène devient l'avant-scène, et vice-versa. Nos oreilles sont submergées par la migration et la multiplication des couches de synthé dont les lamentations bleutées se lovent comme d'improbables couples dansant leurs valses éthérées. Ah que l'univers de Steve Roach méduse. Le musicien est devenu maître dans l'art de peindre ses mouvements ambiants de couleurs tant rythmiques qu'atmosphériques, s'éloignant ainsi de cette impression que la musique flottante est redondante. Dans cette première longue structure qui initie son nouvel album ZONES-DRONES & ATMOSPHERES, il créé une texture mélodique avec les entrechocs des multiples billes pour nous faire plonger dans un état d'hypnose aspiré par la migration de cette phase flottante. Là où la membrane des couches de synthé s'huile d'une couleur bleu acier, alors que les billes refont une dernière apparition sous les fredonnements de déesses astrales et cet étrange bruit, on dirait un cuicui, qui interpelle encore plus notre attention.
Interpellé, attisé la curiosité sont les prémices de l'art de la musique atmosphérique de Steve Roach bien plus que son addiction pour nous plonger dans de longues phases méditatives. Ce qui était le cas auparavant ne l'est plus aujourd’hui. Depuis sa rencontre avec Robert Logan, les albums Biosonic et Second Nature en 2016, le synthésiste de La Mesa, Californie, a élargi sa palette tonale pour le décor des ses ambiances. Et il la partage avec justesse dans son nouvel album sur le label américain Projekt Records. Certes et comme son titre l'indique assez bien, ZONES-DRONES & ATMOSPHERES nous plonge dans une zone de drones (bourdonnements sourds) et d'atmosphères où la musique ambiante ténébreuse, le Dark Ambient, est de toute les sauces. Un peu comme dans Painting in the Dark d'où les racines de Neomorphic appartiennent, mais surtout Fade To Grey et sa symphonie pour les mouvements sourds et bourdonnants. Ce nouvel album est constitué de 7 tableaux musicaux qui démontrent sa très grandes connaissances des sphères méditatives. Le CD, comme l'album-téléchargeable, vient avec deux longs titres boni, proposant plus de 183 minutes d'une musique aux longs souffles bourdonnants dans notre intimité cérébrale où l'ami Steve est passé maître de jouer avec les couleurs et les formes. Prenons Breathing Light et ses arabesques qui étirent leurs pointes, aplanissant leurs courbes pour rejoindre ces étreintes flottants qui se tressent tout en irradiant d'autres couleurs tonales. Après l'éternelle chute des sons de Neomorphic, Shadow Realms propose un chant de drones qui se défont en bancs de brume sonore. Des nappes avec une texture orchestrale donne une seconde teinte à ce mouvement ambiant ténébreux. Les souffles sont hybrides avec des tonalités de cors, comme des murmures bourdonnants, qui agissent comme des vecteurs pour atteindre une forme de sérénité spirituelle. Immerse Indigo est plus lourd avec une masse sonore linéaire d'où s'extirpent des filaments à peine moins sombres, nuançant son immense portée atmosphérique. Ceux qui préfère une musique ambiante animée de séquences, Steve Roach a pensé à vous avec The Living Space et surtout le mirifique The Perfection of Solitude. Ce titre évoluent sur plus de 16 minutes nous ramène aux structures ambiantes de The Skeleton Keys, comme à la période analogue du synthésiste américain. Le mouvement s'articule autour d'une palette d'ions séquencés dans une gamme caoutchouteuse où les boules rebondissent, montent et descendent avec un filet organique de soudé après elles. Et tout se déroule comme dans un rêve avec cette brume compacte qui amorti le choc des bonds, sculptant une texture rythmique obsédante. Les couleur des vents ajoutent une vision intrigante à ce rythme qui se fait aspirer par ces mêmes vents après la 10ième minute. Holding Light termine ZONES-DRONES & ATMOSPHERES comme dans le bon vieux temps où Steve créait une symphonie à partir d'une brise qui se meut par ses inflexions, un peu comme pour reprendre son souffle. Le phénomène est exploité à plus grande échelle sur Submerged dont les nuances dans les drones sont conductrices de ces contrastes d'ombre et de lumière qui nous entraînent dans un état d'hypnose endormitoire. Et avec 73 minutes, Submerged, qui me fait penser au matériel inédit dans l'édition 3CD de Structures from Silence, a le temps de nous endormir. Plus caverneux et vibrionnant de ses murmures longeant les lisses parois de son immense grotte tonale, Isolation Station possède aussi ces vertus, sauf que son subtil panorama changeant attise un peu plus son écoute.
Évidemment qu'il y a des longueurs! Mais n'est-ce pas justement ce qui fait la beauté de la musique de Steve Roach? Hypnotique, magnétisante et propulsée par ces élans à peine perceptibles, nous entendons les phases évoluées par des séquences qui laissent une infime ouverture pour modifier la texture, les formes et ses couleurs. C'est précisément là que Steve Roach accroche notre intérêt. Mais ça, c'est connu depuis longtemps. Laissons-nous juste absorber par les beautés de ce ZONES-DRONES & ATMOSPHERES. Un bel album pour qui a besoin d'évasion…
Sylvain Lupari (13/01/22) *****
Disponible chez Projekt Records Bandcamp
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