“C'est noir gothique, lourd, lent et assourdissant!”
1 God of Sleep 7:20
2 We will all Abandon you 5:51
3 Death of the Locusts 7:20
4 All the Lambs 6:58
5 Evigt Mörker 13:51
(Vinyl/CD/DDL 41:25)
(Dark Ambient Industriel)
C'est noir gothique, lourd, lent et assourdissant! God of Sleep débute pourtant avec une onde de synthé dont les sombres sinuosités ondulent avec une ombre de réverbérations juteuses. Une étrange incantation sur un timbre de voix déformée dans une texture mécanique ajoute du suspense surnaturel à cette ouverture noire que des percussions lourdes et résonnantes assomment dès la 80ième seconde. Une clameur persiste entre les durs battements des percussions qui érigent une marche médiévale où même les cliquetis chevrotent de terreur. La musique et ses ambiances sont nourries aux glitches. À ces effets de bruits blancs qui grésillent sur les martèlements tempétueux de bras gonflés aux stéroïdes et tout autour de ces ondes de synthé empruntées au genre cinématographique babylonien. La voix revient, plus noire et plus infame, cracher son venin syllabique dans un langage érodé aussi par ces vibrations radioactives qui cimentent les ambiances de ce premier album solo de Ulvtharm. Ouf! Vous aimez ça quand la musique et les ténèbres ne font qu'un? Lorsque la musique martiale sombre vient d'un bel esprit dérangé ? WREKO est ce qu'il vous faut!
Pour ce que je connais de l'histoire, Jouni Ulvtharm Ollila est un musicien scandinave qui est un pionnier, avec ses comparses des groupes tel que Pouppée Fabrikk et Mz.412, dans le domaine du EBM (l'Electronic Body Music) et de la musique industrielle noire et lourde. Un genre de Trent Reznor électronique qui s'est frayé un chemin entre les abimes des enfers! Personnage et musicien très estimé dans la scène électro suédoise, Ollila compte plus de 100 réalisations musicales autant en solo et en collaboration, en plus de ses nombreux mastering, mixages et remixages. WREKO est un premier album solo qui est produit par le label français Cyclic Law, le meilleur endroit pour écouter de la musique composée à l'encre de Lucifer. Composé dans la tourmente de la COVID-19, WREKO est une force sonore brute. Un 42 minutes de musique titanesque où nous entrons dans l'esprit d'un homme torturé par la hantise des événements et finalement libéré lorsque la pandémie s'est éteinte…. Un album d'une grande puissance vengeresse avec un artiste qui a décidé de s'isoler dans ses appréhensions, dans ses frayeurs. Et cet album est ni plus ni moins une invitation à le suivre. Le musicien suédois étale sa fragilité (sic) dans le ténébreux et pourtant atmosphérique We will all Abandon you. Des frottements de deux lames de sons et des murmures s'échappent de son ouverture. Une brise cafardeuse crachant son goudron fumé et une lamentation chtonienne qui se fond dans d'étranges incantations orchestrales. Le mélange de la peur, la tristesse et la colère est des plus palpables ici. Les lourdes percussions martèlent une cadence plus lente qui se gorge de foyers de réverbérations et d'ondes sonores tortueuses dans un déni pour la rédemption. Même si on entend It's so beautiful! Les violons cisaillent les ambiances toujours au summum d'une perfide radiation avec de lents effets staccato chromatiques qui se perdent dans les résonnances de ces coups de massue rythmique et les effets dissonants des ambiances cousues par l'effroi. Si le Black Metal industriel est un genre que vous affectionnez, l'étonnant Death of the Locusts saura vous charmer. La cadence est légèrement plus rapide avec de bonnes percussions, toujours aussi lourdes et martelantes, qui résonnent autour d'un gros nuage de ces grésillements radioactifs qui cernent les rythmes comme les ambiances de WREKO. Ça donne une teinte industrielle très tamisée où la voix surréelle et démoniaque de Jouni Ollila, je présume, possède ces attributs pour vous attirer vers la paranoïa.
All the Lambs déverse des orchestrations démoniques dans un rythme de transe spirituelle aussi agitée que troublante. Les percussions sont plus articulées. Elles dansent comme des pas de sorciers en feu sous ces salves de violons et violoncelles, structurant une danse transe plus spasmodique. Les orchestrations sont pénétrantes et nous transportent ailleurs avec des arrangements qui commandent une obsession de soumission chez l'auditeur, alors que les coups sur une enclume retentissent au milieu des percussions. Une chorale chtonienne chante une Messe Noire sur cette structure qui ralentie considérablement son rythme autour de la 4ième minute. Une diabolique liturgie d'une 60taine de secondes avant que les percussions reviennent avec lourdeur guider les moutons que nous sommes vers l'antre des ténèbres. Du haut de ses 14 minutes, Evigt Mörker nous amène dans une autre dimension Son ouverture est construite autour de sourds et longs mugissements où s'active une nuée d'effets sonores cabalistiques, comme des chuchotements et des feutrements, et où la portée de ces longs mugissements réverbérants dépasse les frontières du surnaturel. Nous sommes seuls. Isolés dans cette ouverture où le ciel noir est finement ciselé par des lueurs écarlates venant des frayeurs des âmes condamnées. Mais il y a une forme de tendresse dans cette ouverture, même si un adorateur de Satan marmonne un texte que seules les oreilles d'initiées peuvent décoder. Nous sommes dans la portion la plus électronique de WREKO avec cet amoncellement d'ondes de synthé qui s'entrelacent entre des orchestrations rauques et lugubres venant d'instruments à vents. Avec un peu d'imagination, le son des chaines aidant aussi, on se voit facilement glisser vers la route des abysses dans cette longue structure construite dans la sourde frayeur d'une âme perdue dans ses illusions.
Je commence à peine à effleurer les multiples domaines de la musique électronique gothique, grâce à la collaboration du label Cyclic Law. Si j'y ai fait de belles découvertes à date, ce WREKO de Ulvtharm m'a par contre demandé une bonne dose de courage et d'ouverture puisque nous sommes plus dans le style de musique militaire médiévale et de Black Metal ambiant (ça se peut?) que dans le genre Synth Donjon ou encore Dark Ambient. Mais il y a toute une puissance émotionnelle, appelons cela la peur ou la frayeur de l'incompréhension, qui se dégage de ces rythmes lourds et lents assenés par de violentes percussions processionnelles. De plus, les arrangements sont de haut niveau dans cet album où le niveau de frayeur augmente de titre en titre. Intéressant, impressionnant et très intense!
Sylvain Lupari (12/12 /22) ***¾**
Disponible au Cyclic Law Bandcamp
(NB : Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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