“Frank Dorittke façonne un bel univers mélodieux qui marche dans les sillons de Mike Oldfield...”
1 Nocturna 71:15
(DDL 71:15)
(Berlin School, Minimalist)
Vous vous rappelez le dernier album de FD Project; Water & Earth? En titre extra, le guitariste/synthésiste Allemand avait inséré un extrait d'un long titre improvisé qu'il avait joué lors d'un concert au Satzvey Castle le 7 mai 2011, concert intitulé THE OTHER SIDE OF...FD PROJECT. Eh bien cet autre côté de Frank Dorittke se nomme NOCTURNA et c'est cette longue composition, refaite en studio, qui remplit le dernier CD de Frank Dorittke sur le label Syngate. L'album est maintenant sur la page Bandcamp de FD et est proposé en téléchargement depuis. NOCTURNA est un long carrousel minimaliste de plus de 71 minutes divisé en 5 parties poussées par les boucles rythmiques du séquenceur que des arpèges scintillants, des chœurs et des souffles de synthé astraux tourmentent tout au long d'une hypnotique procession spiralée. Fortement imprégné des influences de Mike Oldfield et Tangerine Dream, THE OTHER SIDE OF...FD PROJECT NOCTURNA déboule tel un pacte avec la douceur.
Comme une porte s'ouvrant sur ses gonds grincheux, le long corridor polyrythmique de Nocturna s'ouvre aux tonalités d'ondes réverbérantes. Les nappes de synthé qui errent en suspension crissent parmi des ululements de métal tordu, cachant les quelques accords harmonieux qui font contraste à une lourde intro où le métal engendre la froideur. Mais au loin, on entend un délicat carrousel faire tournoyer ses accords de verres, embrassant une superbe ritournelle qui n'est pas sans rappeler l'énorme influence de Mike Oldfield et de son Tubular Bells sur Frank D. Des couches de synthé sombres et méditatives se lamentent, tels des soupirs de violons, et caressent cette délicate spirale flottante qu'une ligne de basse aux soubresauts ascensionnels vient recouvrir. De note en note, l'intro de Nocturna prépare sa première mutation. Cette ligne de basse ouvre le bal à des arpèges cristallins qui ne font que passer alors que les percussions secouent quelque peu ce dandinement innocent. Ce nouveau rythme en permutation accélère le débit fragilisé de cette douce introduction onirique qui tournoie avec plus de lourdeur sous de bons solos de synthé. La deuxième phase s'amorce vers la 22ième minute avec une approche plus chaleureuse. Des ondes et des chœurs morphiques poussent un fin mouvement séquencé à sautiller à pas de loup sur une structure toujours circulaire. Le débit est plus fluide et mélodique. Arqué sur des percussions neutres, il gravite sous des brises de synthé aux tendances pour des solos qui ne sont pas sans rappeler Tangerine Dream sous l'ère Schmoelling. Des arpèges miroitants se mêlent harmonieusement aux souffles angéliques. Ce rythme quelque peu onirique nous amène jusqu’à la 31ième minute, moment où Frank Dorittke sort sa guitare. Ce troisième segment est un beau passage inattendu qui coupe le magnétisme spiralé de Nocturna. Il offre une étrange structure de western abstrait avec des accords de cowboy solitaire qui traînent parmi des séquences clopinant comme des sabots mal ajustés sous un ciel trituré de solos d'une guitare aussi incisive que poétique. Une six-cordes électrique qui rivalise avec un synthé aux arômes de plus en plus influencés par TD.
Nous sommes rendus à la 40ième minute et Nocturna commence à changer de peau comme un serpent en feu. Une ligne de basse-séquences émerge entre les souffles cristallins. Son mouvement ascendant reprend la structure tournoyante qui impose le rythme tranquille de Nocturna. Plus fluide, la ritournelle torsadée déroule ions sous des souffles éthérés et des touches prismatiques. Après un bref passage noir, des séquences limpides dansent sous les souffles paradisiaques d'un synthé qui entend les séquences se subdiviser et s'agripper à cette ligne de basse ascensionnelle qui s'était évaporée plus tôt, alors que des percussions s'abattent pour semer une courte turbulence rythmique. Et peu à peu le silence des astres revient. La poésie s'installe avec des eaux qui coulent de nulle part et des souffles oubliés dans un labyrinthe musical où brillent des touches illuminées. Et le rythme franc revient. Martelé de sobres percussions, il plie l'échine sous les vents et arpèges irisés qui rayonnent constamment autour des permutations de Nocturna. Nous atteignons les 58 minutes et les notes de cristal tournoyant dessinent des arcs plus fluides alors que le séquenceur s'écarte de sa tangente, laissant ses billes se multiplier et s'éparpiller pour s'arrimer à une autre ligne de basse aussi hésitante que doucement vrombissante. De fluide à saccadé, le rythme continue ses interversions accélérées sur une brève période pour terminer sa procession polyrythmique dans les airs d'un lent techno morphique où les coups et spasmes du rythme sont enrobés d'un synthé aux parfums de Vangelis.
Composé une longue suite de 71 minutes sans rien perdre de son fil conducteur est un ambitieux projet dont s'acquitte fort bien FD Project. Oubliant ses guitares et se concentrant plus sur les séquences et les effets musicaux des synthés, Frank Dorittke moule un bel univers mélodieux qui marche dans les sillons de Mike Oldfield et de sa série d'accords virginaux qui initiaient son œuvre-culte Tubular Bells. J'ai bien aimé. C'est du beau Berlin School. Poétique et onirique, sans heurts ni complexités, qui coule comme un beau conte soporifique nous gardant éveillé, les yeux fermés pour rêvasser sur les vents des spirales carillonnées.
Sylvain Lupari (13/04/12) ***½**
Disponible au FD Project Bandcamp
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