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  • Writer's pictureSylvain Lupari

FREE SYSTEM PROJEKT: Spoon Forest (2018)

“Spoon Forest est un petit bijou, un album splendide qui est un must pour ces maniaques des belles années du Berlin School analogue”

1 Winterflow 21:00

2 Spoon Forest 24:05

3 Trollheimen 24:49

FSP Records | FSPCD05 (CD/DDL 69:54)

(Berlin School)

C'est en écrivant la chronique sur l'album D.E.S.H. de WintherStormer que j'ai eu connaissance de ce projet de collaboration entre Terje Winther et Free System Projekt. Et grâce à Terje, j'ai pu mettre la main sur un des 500 exemplaires de SPOON FOREST. Ceux qui connaissent autant la musique de WintherStormer et de duo Néerlandais Marcel Engels-Ruud Heij ont du se sentir interpellé par ce projet musical où chacun des artistes avait à contrôler les séquenceurs pour un titre. D'où 3 longs titres d'une durée moyenne de 23 minutes. Nous sommes ici dans les territoires de Tangerine Dream, période Ricochet à Force Majeure (pour les effets) où chaque exercice rythmique du séquenceur est précédé d'une introduction tissée dans les frontières de l'outre-tombe psychédélique avec des finales qui tentent d'expulser les fruits de ces ambiances. Il en résulte en 3 superbes structures de pur Berlin School où, encore une fois, Free System Projekt et Terje Winther ont réussi à ouvrir une brèche dans le temps.

C'est avec des tintements qui s'égrènent comme dans la mise-à-mort et la chute d'une bibitte dans un jeu vidéo que Winterflow prend forme. La forme du son, et son approche à la fois mystérieuse et irréaliste, jumelée à des mugissements d'une bête sans cou et à des grondements industriels sont autant d'éléments qui jettent un canevas post-psychédélique à une ouverture où tout bascule dans la féérie tonale et se redresse sur l'élan d'un séquenceur lourd et fluide. Le mouvement fait très TD des périodes Phaedra et Rubycon, deux albums qui ont toujours servi d'essence tonale au moteur de créativité de Free System Projekt. Le rythme est dans le pur esprit vintage Berlin School avec des séquences courant et galopant dans des nappes de brouillards qui flottent avec une emprise vampirique sur les sens. Très habile, et subtil dans sa rotation de ses cercles de rythmes, le séquenceur aime perdre un ion ou en insérer deux afin que sa cadence ait juste assez de nuances pour rouler plus vite ou ralentir sans qu'on le remarque instantanément. Mais assez parler de rythmes, puisqu'ils sont assez semblables dans SPOON FOREST. Ce sont les ambiances et les décors qui rendent toute la noblesse à la créativité de Marcel Engels, Ruud Heij et Terje Winther. Les ambiances sont figées dans des nappes de brume avec de tendres filets de voix absentes qui en percent l'opacité. Il y a des effets! Beaucoup d'effets usités ou bizarres qui semblent nous parler, sinon nous murmurer des tons à l'oreille. Les solos de synthé sont multiples et leurs chants jouent autant dans les graves que les aigus. Le panorama sonore est imaginé dans des terres arides avec des sols d'argiles rouges qui se fissurent. Mais le rythme est bougrement enlevant. Il persiste au-delà des 12 minutes de lourdeur avant de fondre dans une étoffe plus lunaire autour des 15 minutes. Par la suite, et même si de faibles vagues rythmiques font du rodéo, des ambiances d'un autre univers, comme ces paysages sonores du Dream dans les premières années Virgin, irradient les ambiances avec une faune sonore riche de ses éléments hétéroclites où le rétro flirte avec les possibilités du contemporain. Des nappes de voix chthoniennes fredonnent sur des nappes de vieil orgue et sur du vent propulsé par des particules qui traînaient aussi dans les années 74-77.

Les rythmes se ressemblent mais ne sont pas tous pareils. Comme dans la pièce-titre, proposée par Terje Winther, où il est plus en mode ruades successives et houleuses. Des rodéos saccadés qui roulent dans un engrenage industriel tout bien balancé. Des arpèges de verre pétillent ici et là sur un clavier en mode MÉ rétro. Nous les avons déjà entendus soit dans du Pink Floyd et sur Phaedra, mais aussi dans Ricochet. Les nappes de brume sont onctueuses et flottent dans un panorama où nos oreilles voient les strates coloriées des aurores boréales zigzaguer dans un firmament restreint. La portion rythmique est soutenue avec des axes rotatoires simulant des hélices horizontales. Le Mellotron est aussi actif dans Spoon Forest avec des chants de flûtes, des orchestrations moelleuses, des nappes d'orgue et des voix abyssales. Et comme dans Winterflow, le rythme égare sa vitalité autour des 15 minutes afin de se hisser vers un palier plus tintamarresque. Nous ne sommes pas loin des ambiances de Force Majeure ici, surtout au niveau du mouvement lourd et saccadé du séquenceur. On peut insérer la diversité des effets sonores aussi dans ce contexte. Et après un bref moment de répit, où le rythme n'a jamais entièrement disparu, le séquenceur revient animé les derniers instants d'une structure qui laissait aussi passer ces lignes de synthés remplies de ce parfum de trompettes célestes uniques aux belles années de Baumann-Franke & Froese. Nous retrouverons ces lignes et leurs chants dans la 2ième partie de l'introduction de Trollheimen, un titre proposé par Marcel Engels. Cette intro propose auparavant ces cris de sirènes angoissants, un peu comme dans les sirènes de Planète des Singes, des lignes d'ondes Martenot et leurs aimants spectraux, des mugissements d'une horde de zombies, des effets de synthé qui s'étendent comme une menace et des ronronnements industriels. C'est le prototype de musique pas-facile-du-tout-à-assimiler aux premières tentatives qui se déroule sous nos oreilles. Le séquenceur s'anime autour de la 8ième minute, soit après les trompettes de l'apocalypse. Son débit est fluide et sa tonalité harmonique. Sa signature est unique! Jouant sur les variables de vitesse, ce rythme progresse avec ses belles imperfections programmées sous un épais manteau de brouillard. Les lignes de synthé sont toujours aussi savoureusement imbibées de ces tons de trompettes, mais le rythme reste le dominant de ce titre où son intro est désormais loin derrière. On perçoit l'écho de cette ossature un brin dégingandée qui clopine et gambade sous une nuée d'effets électroniques aux armoiries autant vintages que lucifériennes. Les solos de synthé sont cousus dans le charme auditif avec une vision mélodieuse alors que Trollheimen continue d'évoluer au travers les âges et entre ses phases intenses, houleuses ou séraphiques. Tout cela bien sûr au gré de celui qui écoute, qui entend! Après tout, n'est-ce pas cela qui fait la beauté de la MÉ? Merci Terje…Ruud et Marcel pour un splendide album qui est un must pour tous les aficionados des années d'or de l'École de Berlin.

Sylvain Lupari 01/05/19 ****½*

Disponible sur le site Bandcamp de Free System Projekt

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