“Land of the Rising Sun est un très bel album qui devrait plaire aux fans de Berlin School analogue du milieu des années 70”
1 Long Journey to Different Temples 34:50
2 Spectral Enso 10:00
3 Zen 16:20
4 Flying Cranes in Slow Motion 8:27
(CD 64:10) (Berlin School)
Que voilà une belle surprise! Avec un nom comme Berlin Heritage on s'imagine sans peine vers quoi Robert Sigmuntowski veut orienter notre écoute. Moulé dans les réminiscences d'une Berlin School que l'on croyait tarie de ses inspirations tant elle a été pillée pour justifier toutes les raisons, LAND OF THE RISING SUN est ce genre d'album que l'on n'attendait pas. Un album qui arrive et qui étonne, comme Free System Project avec Impulse en 1996 ou Danger in Dream et Entrance en 2001. Un album qui nous rappelle combien la MÉ peut être belle.
Des vents chauds venus d'Orion caressent l'incrédulité de nos oreilles. Ils cajolent de leurs chants argentés des psaumes galactiques qui ondulent dans des sphères vaporeuses, heurtant une paroi d'invisibilité où des cerceaux s'entrechoquent et entaillent cette quiétude des délires cosmiques. Et doucement, les séquences de Long Journey to Different Temples émergent du brouillard intersidéral et s'activent de ses battements si intuitifs des langoureux ébats séquencés que Klaus Schulze tissait sur Body Love. L'illusion auditive est presque parfaite. Des séquences agiles qui gambadent et sautillent dans un canevas musical serti de poussières d'étoiles irisées que des solos de synthé épousent de leurs chants acuités. Une forme oscillatoire serpente un mur cosmique irradié d'une dense brume ondoyante. Dans cette tapisserie de couches, d'ondes et de sonorités analogues, le tempo s'estompe peu à peu et la première phase rythmique de Long Journey to Different Temples se perd dans de superbes couches de synthé qui caressent un cosmos noir à la Jean-Michel Jarre. Elles flottent et soupirent dans une valse cosmique, emportées par une fascinante poésie astrale avec de fines modulations dans le mouvement. Des modulations qui embrassent une délicate ligne de basse séquences dont les ions ondulent avec une finesse virginale sous les souffles hybrides d'un synthé qui éparpille sa poésie astrale à travers ses chœurs, ses ondes cosmiques, ses cors et trompettes ainsi que ses délicats solos aux parfums d'éther. Caressé par des chœurs subjugués qui psalmodient au-dessus d'un synthé aux délicats solos torsadés, le mouvement épouse une lente procession astrale où les séquences pianotent finement un contemplatif passage minimaliste. Rivé dans nos souvenirs et ancré dans une méditation, on remarque à peine que Long Journey to Different Temples se dirige vers une autre destination. Traversant les pénombres menaçantes d'un cortex cérébral en fusion, la dernière phase de Long Journey to Different Temples émerge d'un épais brouillard tétanisé avec de fines séquences limpides qui pulsent et piétinent, cherchant une quelconque direction rythmique. Une autre ligne du séquenceur s'ajoute. Elle danse en parallèle et épouse maladroitement le schéma de sa jumelle, moulant un ballet chaotique qui tournoie dans un épais nuage de brume iridescente. Comme une éternelle danse dans un brouillard de soie, cette dernière portion nous transporte encore dans les chemins de l'illusion. Là où tout était source de renouveau et de beauté. Où tout était intrigant et immensément beau. Et comme un carrousel roulant dans une bulle enveloppée de violons chimériques, de chœurs morphiques et de séquences limpides, Long Journey to Different Temples termine son superbe voyage dans les terroirs de la Berlin School avec toute la romance et la délicatesse des grandes œuvres qui ont marquées cette époque. Notre époque à nous, fans d'un monde musical plein de rêves et de poésies où seule l'imagination des maîtres tels que Schulze, Froese, Franke, Gottsching, Jarre, Vangelis et plusieurs autres dessinaient et écrivaient des livres, des toiles et des scénarios sans paroles ni couleurs et qui transcendaient le seuil d'une créativité sans frontière.
Spectral Enso nous entraîne dans des territoires où le rythme, comme les ambiance, prennent des formes contradictoires. C'est un long titre velléitaire étonnamment envoûtant où une mare de séquences scintillantes bouillonne de l'intérieur sous un ciel obscurci de lourdes et sinueuses réverbérations. Le rythme, si on peut dire, est statique et est moulé à partir de fines pulsations qui battent sous ces séquences limpides qui clapotent sur place alors que les ambiances sont forgées dans l'obscurité des souffles de synthé où chœurs et réverbérations tissent une approche spectrale. Zen s'ouvre avec une magnifique flûte enchantée qui promène sa mélodie sous un tapis de nappes ondoyantes. Aussi belle soit-elle, la flûte éveille des chœurs chthoniens et soulève un nuage de brume irisée, jetant un halo de mystère sur cette superbe intro qui nous rappelle les errances morphiques de Tangerine Dream. Un mouvement séquencé surgit de cette sérénité contemplative. Telle une chevauchée féerique, ses accords ondulent avec grâce alors que d'autres résonnent sous les chants aigus d'un synthé qui divise ses harmonies avec des ondes malveillantes. Zen devient alors une stupéfiante source d'agitation rythmique avec des séquences dont les frappes alternantes, et d'autres qui tombent en parallèle, dessinent un rythme oscillatoire endiablé. Un rythme anobli d'une douceur onirique mais encore puissant, où de superbes solos stridents surplombent cette chevauchée séquencée qui roule à pleine vitesse avant de s'éteindre dans les souffles éthérés d'une intro que l'on avait perdu dans ce furieux dédale séquencé. Flying Cranes in Slow Motion termine cette étonnante odyssée médiévale dans les terroirs de la vintage Berlin School avec une ode à la placidité transcendantale où des vaguelettes de prisme chatoient dans un immense monastère rempli d'ondes et de couches de synthé aux tonalités aussi hybrides que leurs chœurs qui s'en inspirent psalmodient secrètement à l'ombre de tintements éparpillés.
Peut-on revisiter le passé sans se répéter? Peut-on rendre hommage à nos influences sans tomber dans la redondance? Eh bien oui! LAND OF THE RISING SUN en est la preuve, au même titre que Impulse et Entrance. C'est un remarquable album. Sans jamais tomber dans le plagiat, mais en effleurant les grandes lignes d'influences de la MÉ des années vintages, Berlin Heritage tisse les grandes lignes d'un album où les rythmes et ambiances de cette génération sont habilement entrelacés dans un merveilleux tissage musical. Et comme le dit si bien le guide de presse; Écouter et laisser-vous emporter!
Sylvain Lupari (12/03/12) *****
Disponible chez Spheric Music
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