“Bien que difficile à apprivoiser du début à la fin, cet album vous emmène dans des endroits où vous ne mettez jamais les oreilles”
CD1 (71:48)
1 Im Staub der Sterne 4:40
2 Eolomea 7:14
3 Zeit der Sternschnuppen 9:33
4 Sperling (live) 6:50
5 Sternendroge Tyrsolen (live) 8:16
6 Kosmonautin 15:24
7 Reiseziel Mond 9:37
BONUS TRACKS
8 Der Aetherophonist (live) 4:00
9 Spiegelkabinett 6:11
CD2 (74:48)
10 Die Stimme der Unendlichkeit
9:44
11 Signale 6:16
12 Der schweigende Stern 7:10
13 Ypsilon Ypsilon 6:13
14 Die Zusammenkunft (live) 5:27
15 Weltraumfahrer 6:30
16 Spiegelteleskop 7:09
BONUS TRACKS
17 Jung 7:56
18 Ypsilon Ypsilon (live) 6:01
19 Reiseziel Mond (live) 12:19
(2CD-R/DDL 146:36)
(Ambient, Cosmic Rock, Psybient)
Un autre artiste prolifique en 2020 fut sans doute Michael Brückner qui a produit 6 albums, dont 2 albums double. REISEZIEL MOND (Destination Moon) est un second album avec Detlev Everling, l'autre étant le sublime Sparrows en 2014. Le point de départ appartient à Detlev qui a invité Michael a participer à un spectacle en plein air l'été dernier. Un énième album soulignant les 50 ans d'Apollo 11, REISEZIEL MOND fut enregistré dans le cadre de ce spectacle et d'un grand projet qui s'est à demi réalisé. Ce concert fut présenté en juillet 2019 sur le toit de l'observatoire de Rodewisch, une petite ville de Saxe en Allemagne de l'Est. Le cinéaste Matthias Ditscherlein prévoyait célébrer le 50e anniversaire du premier alunissage en montrant le documentaire sur Neil Armstrong; First Man. La musique et les arrangements ont été conçus par le duo Allemand. Le tout se fit non sans problèmes! D'abord des problèmes de droits d'auteurs, pour le documentaire et certains titres choisis par le duo, et des difficultés techniques, reliées pour la plupart à la fragilité du Théramin, sont venus miner le projet. Le duo a du s'ajuster et composer de nouveaux titres en un temps record qui s'adapteraient à une nouvelle vision du cinéaste. Pour couper court à cette histoire rocambolesque, Everling & Brückner a décidé de réenregistrer la musique en studio pour les besoins de cet album. D'où ce mélange et un habile mixage entre les titres joués en concert et ceux enregistrer en studio. Un projet ambitieux demande une musique à sa hauteur! Vous me voyez venir… REISEZIEL MOND est un splendide album qui demande quelques écoutes afin de se familiariser avec une faune sonore, imaginée dans une toute autre dimension, et une bonne ouverture d'esprit afin de jumeler notre imagination aux visions des voyages spatiaux en musique des deux auteurs. Et au final, vous aussi aurez ces frissons devant les montées en crescendo des atmosphères liés à l'album.
Débutant avec des effets de télécommunications de la NASA, Im Staub der Sterne offre un début plutôt réaliste d'un décollage de Apollo 11. Ça flirte quasiment avec Software! Tôt, les chants de sirènes cosmiques et les orchestrations lunaires cernent le titre où déjà des effets de voix hantent les cosmonautes à bord. Des wooshh et des wiishh se joignent aux violons cosmiques qui élaborent d'élégantes valses avec le néant tout en inondant nos oreilles d'une masse sonore en mouvement. Eolomea, ou la beauté réside dans ses ersatz, suit avec ses tintements et puis ses notes de pianos perdues dans l'antre du vide. Une flûte se dégage de cette ambiance trouble où le Théramin dessine des arches spectrales. L'ambiance est tissée de matières sonores composites avec des effets du Cacophonator qui remplissent autant nos oreilles que les espaces au pouce-carré. Des orchestrations et des lignes de synthé aux timbres aussi uniques qu'une fusion avec le Théramin dominent aussi ce décor en injectant une dose de musicalité. La présence de la flûte parfum les airs du titre, ainsi que la musique en générale de l'album. Des tintements finissent par s'unir et créer une belle mélodie ambiante qui carillonne dans des élans orchestraux où l'on retrouve ce piano perdu dans l'introduction. Synthé et Théramin s'unissent pour diluer cette confusion des tons et offrir une très belle vision cinématographique à Eolomea et à l'ouverture haute en couleurs tonales de REISEZIEL MOND. Toujours enrobée de cette vision rêveuse, Zeit der Sternschnuppen dérive comme une masse silencieuse dans le cosmos. Sa route vers les étoiles est remplie de filaments d'harmonies, des semblants de riffs et accords de guitare, ou instruments à cordes, et autres sons fracturés dans une absence d'homogénéité. Une première ossature rythmique plutôt timide se met à battre silencieusement. On dirait un Blues Jazz dans un état très embryonnaire s'accrochant à une ligne de basse errante pour solidifier sa survie. Sans qu'on s'y attendent, des percussions tombent à l'aube des 5 minutes. Zeit der Sternschnuppen devient un bon down-tempo avec un suave son de saxophone de nuit comme berceau mélodique.
Augmentant subtilement la cadence, le rythme explose un peu plus dans l'ouverture de Sperling (live) et de son ambiance psychotronique post-moderne. En fait, les effets sonores qui enrobent un rythme toujours fragile donnent une enveloppe de psybient à un rythme flirtant avec un beau slow morphique et son zest de psybeat. Des effets organiques servent de base mélodieuse à ce titre qui avance de plus en plus surement vers le lourd et déjanté Sternendroge Tyrsolen (live). Nous sommes dans du Space Rock réinventé avec des effets de didgeridoo ou de Vuvuzela comme premier couplet harmonique. Le rythme suit les déboulements multiples des percussions en boîtes qui sonnent hyper bien dans la névrose spasmodique du séquenceur. Nos oreilles doivent se reposer dans sa finale débordant vers le piano rêveur de Michael Brückner qui unit Sternendroge Tyrsolen (live) à Kosmonautin. Piano qui se met à cahoter dans des ambiances tamisées, devenant par la suite une séquence qui irradie un peu de son ombre avec ses sautillements dans le lit d'orchestrations de Kosmonautin. Une forme de crescendo se développe à l'intérieur de cette procession minimale et minimaliste qu'un synthé recouvre de très bons solos. Les orchestrations se mettent à emmitoufler la marche, la rendant plus intense, plus émouvante. Et c'est dans une ambiance spirituelle et transitionnelle que Kosmonautin se glisse dans la pièce-titre. Le séquenceur vibrionne d'une vision mélodieuse qui nous rappelle vaguement une mélodie de notre enfance. Des effets percussifs ornent cette spirale séquencée qui se développe pour une bonne EDM lorgnant vers du techno. Premier titre en prime, Der Aetherophonist (live) propose le savoir-faire de Detlev Everling au Théramin. Nous sommes dans l'atmosphérique sombre, alors que Spiegelkabinett nous offre une très belle ballade lunaire, sans rythme ni battements, chantée par un synthé à nous foutre des frissons, tant dans le dos que sur les bras.
Le deuxième CD offre une vision plus atmosphérique de ce voyage avec une structure de rythme plus audacieuse et non-conventionnelle en Ypsilon Ypsilon, et ce peu importe les versions. Die Stimme der Unendlichkeit conduit à une ouverture de ces panoramas cosmiques ambiants avec une certaine dose de vélocité dans la passion liée au stylisme des harmonies synthétisées et des ambiances. Après ce titre purement ambiant, Signale propose un rythme croissant vers un niveau d'Électronica caramélisé par de bons solos de synthé. Der schweigende Stern retourne aux panoramas ambiants avec une structure plus sombre alors que Ypsilon Ypsilon fait sauter nos tympans avec une structure de rythme totalement décousue. Disons que les ambiances cosmiques et nocturnes de Die Zusammenkunft (live) sont les bienvenues ici. En contrepartie, ses bruits lointains et ses murmures de mécanique ont de quoi nourrir toute forme philosophique sur la paranoïa. Weltraumfahrer injecte finalement un peu de vie avec une structure sphéroïdale du séquenceur dont le paisible débit est bousculé par des percussions sonnant comme des boites de carton. Mais ça fonctionne et ça réussit à faire lever le rythme d'un cran. Puis suit le superbe Spiegelteleskop! Son rythme hypnotiquement séraphique tournoie dans une ascension astrale digne d'une finale exceptionnelle.
Trois titres bonis clôturent pour de bon REISEZIEL MOND. Jung est un assez bon titre. Son départ ambiant se converti en structure rythmique qui bat sous une nuée d'étoiles scintillantes dans une nuit noire sur terre au-dessus du Nevada. Je vous ai déjà parler de Ypsilon Ypsilon! Capter ça en concert n'a pas dû être facile. J'aime mieux la version studio. Reiseziel Mond (live) est une très belle interprétation de ce titre dynamique dont les explosions rythmiques bordent les frontières de l'Électronica.
Ouf! REISEZIEL MOND est tout une expérience en musique. Il y a beaucoup de musique dans cet album dont le côté ambiances est assez unique. Le premier CD offre une figure latente qui explose en plein milieu pour nous sortir de nos souliers avec la pièce-titre. Le deuxième CD est plus tranquille avec un excellent titre qui vaut le prix de ce double-album. De la grande musique avec un côté ambiant à découvrir d'une écoute à l'autre. Et chaque écoute nous fait découvrir une autre phase qui obsède. Et ainsi de suite…
Sylvain Lupari (30/12/20) *****
Disponible au SynGate Bandcamp
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