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Writer's pictureSylvain Lupari

K. MARKOV: Interactivity (2019) (FR)

“C’est du bon Berlin School avec des lignes de séquence dynamiques et d’excellentes habiletés de synthé qui sillonnent des panoramas remplis de textures créatives”

1 Mind Control 12:14

2 Interactivity 12:08

3 Grand Illusion 13:27

4 Reverse Evolution 12:43

5 Inner Alchemy 14:00

(CD/DDL 65:33) (V.F.)

(Berlin School)

Le label Californien Synphaera Records commence à prendre de plus en plus sa place dans les sphères de la MÉ contemporaine avec des productions d'une signature sonore en haute définition. Après le fascinant et ténébreux voyage ambiant de Spinnet, album Syzygies, la division Exosphère du label américain propose rien de moins qu'un album de K. Markov; INTERACTIVITY. Ce conte sonore est à propos des relations conflictuelles entre l'homme et la machine. Qui domine l'autre? La réponse appartient à notre imagination qui se laisse bercer par K. Markov, un synthésiste de Croatie qui est hautement considéré sur le web, via ses activités Bandcamp. Inspiré par le Netherlands School, où les séquences sont lourdes, juteuses et harmoniques, sa musique ici sillonne les jardins de Tangerine Dream et Synergy en passant par Emmens & Heij et aussi l'audace de Syndromeda. Cela donne un album complexe dans l'union de ses rythmes, ambiances et effets avec une vision cinématographique où le cauchemar attache ses liens avec notre réalité.

C'est par une pluie de gazouillis sonores et d'effets très bigarrés que ce premier opus de K Markov sur une étiquette commerciale établie infiltre nos sens. Après ce tintamarre introductif, une clairière de sons lumineux jette son aura sonore très Software avec ce genre de ballet contemporain astral que nous retrouvions dans le temps de Chip Meditation et Electronic Universe. Derrière, le ronflement des machines est toujours actif, lançant des filets de réverbérations qui oscillent jusqu'au séquenceur. Une ligne de rythme spasmodique se lie avec une autre et ses basses séquences qui pilonnent une approche austère. C'est ce mouvement qui déploie une fluidité. Le rythme ambiant monte et descend les cimes du Berlin School, tandis que le synthé souffle de belles bribes d'harmonies qui ont déjà une idée de ce que sera les solos. Imbriqué dans une structure dynamique, autant pour le rythme que les ambiances, Mind Control exploite ses 12 minutes avec une vision de changements à l'intérieurs de sa structure. Ce premier titre d'INTERACTIVITY est un très bon Berlin School. La pièce-titre suit avec une approche introductive fidèle aux lents déploiements et aux textures sonores complexes de ce dernier opus du synthésiste Croate. Si des lignes de tendresse sculpte ses horizons, de bons effets percussifs anoblissent une beauté que de lents effets de réverbérations entachent avec cette vision inquiétante qui est à la base de INTERACTIVITY. Des nappes chthoniennes chassent ces ambiances sibyllines après la barre des 4 minutes, éveillant un séquenceur qui sculpte alors un très bon mouvement Berlin School. Le mouvement s'amuse avec ses nuances et ses effets percussifs, entraînant Interactivity dans une structure vivante hautement surveillée par des lignes de synthé aux ambiances toujours menaçantes. J'aime le séquenceur ici qui n'hésite pas à forger une approche vitriolique avec des billes qui roulent par saccades, et d'autres qui gambadent en faisant danser leurs ombres dans une complexe vision rythmique sous une pluie de solos aux essences cosmiques analogues.

Grand Illusion propose une structure nouée autour d'une avalanche de rodéos intergalactiques dont la combinaison minimaliste supporte une armada de solos d'un synthé qui aime aussi dessiner des graffitis soniques, comme dans un jeu de spirographes. Le rythme est vif avec un débit spasmodique et des lignes adjacentes qui s'enchevêtrent afin de créer une structure sauvage nourrie de ses ombres et de ses rodéos. Des éléments percussifs, comme des claquettes en métal, tentent de maintenir cette horde de séquences frétillante à l'intérieur des paramètres des structures minimalistes. Les synthés et claviers caressent des rêves opposés avec des approches autant musicales que très aériennes, comme en fait foi ce synthé et ses multiples solos enchanteurs. Du gros rock cosmique, avec une structure constamment en mouvement, à la Gert Emmens et Ruud Heij! En parlant de ce solide duo de MÉ Néerlandaise, Reverse Evolution est tracé dans le moule de leurs meilleures compositions. Inner Alchemy termine INTERACTIVITY avec une fougue rythmique différente, mais toujours aussi efficace, tracée dans l'ombre des années 70. Des immenses bancs de wooshh et de waashh balaient les ambiances poussiéreuses afin de donner une apparence plus post-apocalyptique à cette structure dont les nuances dans les oscillations et l'ajout d'éléments percussifs la consolide dans sa vision plus rythmique qu'harmonique.

Ce premier album de K. Markov sur Synphaera Records est une remarquable entrée, et pour le label et son nouvel artiste, dans les rangs de la Berlin School. L'esthétisme sonore du label californien est solidement sollicité par les multiples textures de rythmes et d'ambiances d'un album qui repousse les frontières de la Berlin School toujours plus loin dans les territoires de la créativité. Car INTERACTIVITY est tout, tout, tout de la Berlin School, tant moderne que vintage. Une Berlin School tantôt complexe et surtout attirante qui demandera quelques écoutes afin de bien charmer nos oreilles. Signe d'un album rempli de surprises et de cheminements structurels en constante mutation. Des lignes de séquences dynamiques qui se faufilent dans les multiples carrefours rythmiques et entre de bons effets percussifs, ainsi que des solos de synthé qui sillonnent des panoramas remplis des textures usuelles, avec un léger brin de créativité outrancière, font de INTERACTIVITY un des solides albums en 2019.

Sylvain Lupari (23/10/19) *****

Disponible au Exosphere Bandcamp

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