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Writer's pictureSylvain Lupari

KLAUS SCHULZE: Silhouettes (2018) (FR)

“Loin d'être si mauvais que cela, Silhouettes dépeint avec le plus de précision possible l'état d'esprit d'un compositeur en déclin et qui le décrit magnifiquement”

1 Silhouettes 15:41 2 Der Lange Blick Zurück 22:07 3 Quae Simplex 21:47 4 Châteaux Faits De Vent 15:08 SPV 267202 CD

(CD/Spotify 75:02) (Ambient Beats, Berlin School)

Ah, ce bon vieux Klaus Schulze! Quelque 30 ans après le majestueux X, le maestro de la MÉ revient pour un autre tour de piste. On attendait ce SILHOUETTES depuis 2 ou 3 ans, mais les fans de la légende vivante se sont plutôt contentés de quelques rééditions de la série Contemporary Works, d'un bootleg officiel d'une qualité en bas de la moyenne (Stars are Burning) et d'un album double soulignant les 70 ans de Schulze avec 2 titres inédits seulement (Eternal - The 70th Birthday). Un peu plus et ça sentait le mercantilisme de Tangerine Dream! Mais revenons à ce SILHOUETTES qui n'est pas si pire que cela, contrairement à la très grande majorité des critiques et observateurs du milieu. Ce dernier Schulze est très tranquille. Tranquille, mais pas superficiel. On a affaire à un homme de 70 ans qui répond à une demande de plus en plus urgente de ses fans. Et c'est sur cet angle que j'ai analysé ce dernier album de Schulze. Je m'imaginais un Schulze, usé par les années et par les milliers de cigarettes, assis derrière ses instruments et sa console tenté d'offrir un album qui irait dans le même sens que Shadowlands. Il est assez proche. Mais oubliez les percussions, les montées d'adrénaline du séquenceur et encore moins les solos de synthé. SILHOUETTES est aussi beau que l'on doit s'attendre d'un homme de cet âge, même avec sa vaste expérience et son immense talent. C'est un bel album calme fait dans une relative tranquillité d'esprit et qui situe avec justesse là où le maestro de la MÉ doit être à quelques années d'une retraite définitive.

Des effets de cerceaux brumeux qui s'entrechoquent et des ondes aux contours brouillons ouvrent la pièce-titre. Des nappes de voix absentes et des zests de synthé un peu étranges apportent une profondeur sibylline à une introduction qui gruge les 9 premières minutes de SILHOUETTES. Des ombres de basse et des variances en intensité dans le jeu des nappes tentent d'insuffler une présence rythmique qui s'évapore assez rapidement dans ce magma d'ondes et d'ombres stationnaires. Pour un peu, et je me sentirais dans les terres de In Blue. Sauf que rien ne débouche! Klaus me semble seul dans ses appartements à tenter de créer quelque chose, mais tout semble tourner en rond…Sauf que même du Schulze qui tourne en rond peut devenir captivant pour l'essence nostalgique. Après un passage plus intense dans les crissements des nappes forgées dans l'aluminium, Silhouettes se réfugie derrière un banc de chants célestes. Prélude à un rythme tout autant statique avec une lente transition. Un rythme ambiant où le séquenceur multiplie ses accords qui roulent comme une jolie cascade et ses jets d'eau harmonieux. Comme premier morceau original depuis le très beau Shadowlands, je reste sur mon appétit. Et c'est un peu, beaucoup même, le constat après plusieurs écoutes de cet album. Pas que cela ne soit pas bon, mais ça manque de vie. Et c'est exactement cette image que j'ai du Maestro qui sauve la mise au niveau de ma critique pour ce qui possiblement le dernier album de Klaus Schulze. Un constat tranchant parce que cet album a constamment été reporté dans les dates de parution depuis que les rumeurs quant à sa conception sortaient des bureaux de MIG. Et chaque fois, les quelques informations évoquaient des raisons de santé. Des rumeurs! Il en a eu régulièrement sur son état de santé. Certaines parlaient d'un cancer, d'autres de maux de dos sévères alors que certaines stipulaient que Klaus Schulze vieillissait plutôt mal. Et du côté management, ça été le silence le plus complet. Nada! Rien que les rumeurs! Mais revenons à la musique.

Der Lange Blick Zurück épouse un peu le même modèle que la pièce d'introduction avec une longue intro soufflée dans une approche où le côté énigmatique flirte avec une vision onirique. Une chorale pigée dans le talent des deux entités plombe cette ouverture lyrique où se couche aussi une nuée de nappes tressées dans des grésillements. Une structure rythmique naît quelque 8 minutes plus tard. Des castagnettes électroniques s'infiltrent sous cette immense strate de voix et de nappes, dessinant une approche sphéroïdale nouée par de bons effets percussifs et des boucles formées de bruits blancs. Des coups de basses percussions ajoutent un petit effet danse. Mais une danse qui se passe entre nos 2 oreilles! Et comme la pièce-titre, Der Lange Blick Zurück se réfugie dans une finale aussi obscure que son introduction. Quae Simplex est vraiment dans le moule Schulze, sans solos. Le rythme accroche nos oreilles dès le départ avec un séquenceur qui fait miroiter ses accords dont les boucles harmoniques se réfugient dans l'infini. La structure monte et descend avec son essaim de séquences qui tourbillonnent délicatement sur place et qui délie de fins filaments spasmodiques. Des percussions sonnent une nouvelle charge rythmique autour de la 7ième minute, j'adore ici les nappes flottantes et anesthésiantes qui tentent de colmater une phase ambiosphérique, amenant Quae Simplex dans les territoires du pur Schulze à la batterie dans les années 76 à 79. Un gros morceau sur cet album! Châteaux Faits De Vent termine ce dernier opus de Klaus Schulze avec une introduction aussi ambiante, mais plus chaleureuse, que les 2 premiers titres. Le séquenceur se pointe assez tôt, autour des 90 secondes, pour effectuer des ruades qui roulent délicatement sur un sol fragile. Les nappes de synthé et de basses ajoutent une touche aussi mélancolique que dans les belles années Schulze alors que l'ensemble hérite de ce ton métallique des années plus contemporaines. Les transitions se font en douceur, on parle des percussions qui s'invitent autour de la 7ième minute et d'une vive intensité qui colle peu à peu son crescendo. Un autre bon titre ici. Très beau! Un peu de longueurs, mais n’est-ce pas la signature du maître?

Au final et après plusieurs écoutes, SILHOUETTES ne mérite l'accueil assez sévère des critiques. On s'attend à plus, et avec raison. Mais on oublie que Klaus Schulze a 70 ans. Mais en ce qui me concerne, j'aime mieux un musicien âgé qui s'assume qu'un autre qui fait des trucs irréalistes pour son âge, cherchant ainsi la grosse critique plus axée sur les besoins de la presse que sur la réalité. On aimerait plus de solos, plus de rythme? Moi aussi, mais ça n'enlève rien à la profondeur de SILHOUETTES qui est, il me semble, l'album qui dépeint avec le plus de vérité l'état d'esprit d'un compositeur sur son déclin et qui le décrit admirablement bien.

Sylvain Lupari (01/08/18) ***½**

(Cliquez sur la pochette pour écouter l'album sur Spotify)

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