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  • Writer's pictureSylvain Lupari

PAUL NAGLE: Beyond E-Ville (2011) (FR)

Si vous espérez entendre autre chose tout en restant connecté aux racines de l'a England School, vous devez essayer ce Beyond E-Ville!

1 E-Ville 15:01

2 MoogyLan BogeyMan 9:06

3 Spybot 13:31

4 Erksome 10:15

5 Dirkness 8:05

(DDL 56:31)

(England School, Psybient, Electronica)

Je sais! Vous allez vous dire encore un album qui fait dans les 5 étoiles? Eh oui…et c'est tellement mérité car Paul Nagle fait partie de cette catégorie d'artistes qui font une MÉ aux rythmes alternatifs et évolutifs, où le soft techno se mêle harmonieusement à un style England School (qui est plus hard que le Berlin School), tapissés d'une riche faune sonore aussi diversifiée qu'invraisemblable. BEYOND E-VILLE est une agréable surprise, car ça faisait un bail que Paul Nagle ne s'était pas produit en solo. Il faut remonter en 2000 avec Red Book / Blue Book pour entendre une œuvre solo originale de ce caméléon de la MÉ anglaise qui a embrassé plusieurs styles avec autant de groupes ou duos (Joint Intelligence Committee, Cosmic Smokers, Headshock, Binar, Spank the Dark Monkey et plus récemment Ideation en 2009). C'est dans le cadre du festival annuel Anglais de MÉ, Awakenings présenté le 19 Mars 2011, que ce superbe compositeur et musicien très avant-gardiste sortait de sa tanière pour utiliser sa nouvelle machine, le séquenceur Sequentix Cirklon, qui contrôle plusieurs synthés tout en libérant une audacieuse flore sonore sur de multiples séquences aux cadences très riches et diversifiées. BEYOND E-VILLE est une longue improvisation de 56 minutes, divisé en 5 actes, basée sur de court canevas auxquels Paul Nagle planchait depuis quelque temps. Et le résultat est étonnant de vivacité et de cohésion avec des rythmes en constante évolutions et aux subtiles permutations auxquels sont arrimées, comme d'habitude, de belles lignes de mélodies. Un album difficile à décrire tant il est riche en musicalités et en rythmes, qui vaut amplement le prix de son téléchargement.

E-Ville débute avec des longs souffles aux sonorités hybrides et empreintes de réverbérations torsadées. Déjà nous sommes dans la jungle sonore de Paul Nagle. Un peu comme dans une ville abandonnée où règne vestiges et désolations avec une intro ambiante nourrie d'une faune musicale disparate, étiolant les frontières entre les portes du paradis et celles de l'enfer. On y entend des lourds claquements métalliques, des stridents élans synthétisés, de multiples effets sonores de teintes analogues, des ululements, les crépitements de serpentins cristallins, des sirènes apocalyptiques et des réverbérations de toutes sortes s'entremêler parmi de légers tintements de carillons dont les accords limpides détonnent dans cet univers glauque. Un rythme sourd émerge pour faire palpiter et onduler nerveusement une ligne syncopée qui traverse les portes d'une zone industrielle sous des striations synthétisées, des hurlements déments et autres tintements de carillons qui tracent un curieux paradoxe musical. Le rythme accentue sa croissance avec des oscillations saccadées qui pulsent sous d'intenses couches de mellotron pour éclore d'une brève limpidité mélodieuse alimentée par des lignes de séquences entrecroisées, une pulsation hypnotique et des accords de clavier qui gravitent avec incertitude sur une structure rythmique toujours en formation. Une superbe séquence se détache et pilonne un rythme soutenu par des percussions/pulsations et des cymbales aux tschitt tschitt se perdant dans ces onctueuses couches mellotronnées. Navigant entre la England School et le soft techno, E-Ville vole de ses séquences agiles, traçant une superbe ligne mélodieuse parmi les sourdes oscillations d'une séquence minimaliste au mouvement ascendant et circulaire qui tournoie dans un léger tourbillon fort mélodieux et entraînant, respirant une étrange gaieté dans un obscur univers légèrement déjanté. MoogyLan BogeyMan se dégage de la poussière métallisée de la finale de E-Ville avec un tempo légèrement saccadé qui pulse sous les tonnerres métalliques et les cymbales ordonnées. Une étrange séquence offrant de curieux accords hybrides et multiformes étale un rythme consanguin où tout s'apparente sans vraiment créer d'uniformité. C'est un rythme truffé de séquences éclatant constamment, comme du maïs à éclater dans un micro-ondes, dont l'harmonie est tracée avec des notes de piano flânant sous des tonnerres tonitruants. Peu à peu ce rythme trouve un genre de cohésion pour glisser illico dans une désharmonie complète où d'éparses et solitaires notes de piano tentent de créer une harmonie dans un sprint galopant sur un axe minimaliste. Spybot est le joyau de ce savoureux album de Paul Nagle. Comme E-Ville, il débute dans une ambiance en fusion avec une multitude de sonorités composites d'où s'échappent d'étranges grommellements parmi de stridents souffles synthétisés. Des accords de piano tournoient nerveusement pour éveiller une fébrile séquence qui ondule avec lourdeur avant de trébucher sur des claquements de mains géantes et une lourde pulsation séquencée qui moule une cadence un peu soft techno. Spybot se démène dans un superbe rythme fragmenté où des séquences hybrides dansent et virevoltent dans une incohésion d'un jazz progressif, entouré de très beaux solos torsadés, pour terminer sa course désarticulée dans les notes d'un piano libre de toutes contraintes qui danse et chante sous les décombres d'une ville électronique.

Erksome nous transporte à un autre niveau avec une très belle intro mélodieuse à la David Wright avec des arpèges délicats qui scintillent dans les fredonnements de chœurs sombres. À la fois doux et saccadé son rythme évolue sournoisement sur une structure ascendante qui est guidée par le piano. Cette ligne de piano serpente la progression de Erksome dont l'approche permute subtilement avec des percussions qui tracent un rythme soutenu. Le piano fait danser ses notes en cercle au milieu d'une structure qui modifie constamment son axe. Et ainsi défile l'univers musical de Paul Nagle; la cohésion dans l'incohérence où les mélodies sont le berceau d’une étrange folie sans limites. À la fois saisissable et insaisissable, sa musique évolue dans un contexte très souvent harmonieux mais dans un univers paradoxal à la sensibilité de ses harmonies. Ici, le piano est superbe et déballe une très belle mélodie avec ses notes limpides qui fondent dans l'oreille tout en étant entourées de somptueuses nappes mellotronnées, alors que les percussions martèlent à contre-courant sous ces nappes et qu'une ligne syncopée dirige Erksome vers un techno statique. C'est un très bon titre qui évolue sur une structure bipolaire, comme chacun des titres de BEYOND E-VILLE. Les vapeurs métallisées qui nourrissent l'introduction de Dirkness s'envolent avec un furieux rythme technoïde ondulant farouchement auprès d'une brillante ligne de rythme séquencée remplie de cliquetis et de frappes arythmiques afin de marteler une lourde ligne syncopée tournoyant à vive allure. Des rythmes secs et saccadés ceinturent ce mouvement statique que des percussions indisciplinées harponnent de tous bords et tous côtés, sortant Dirkness de son état velléitaire technoïde mais le nourrissant d'une intense schizophrénie musicale dont Paul Nagle possède les ingrédients, puisque nous sommes en plein territoires de Binar, Spank the Dark Monkey et Joint Intelligence Committee mais avec encore plus de fureur et de mordant.

Étrange de par sa curieuse faune sonore schizoïde et aussi inattendue de par la puissance et constante évolution de ses rythmes, BEYOND E-VILLE mélange mélodies et envoûtements dans un contexte psychédélique qui s'arrime plutôt bien aux lignes de rythmes séquencés et aux pulsations minimalistes. C'est un opus puissant, imaginatif et magnétique plein de rythmes décousus, débridés et déchaînés qui évoluent sur des structures instables mais où les mélodies finissent toujours par se frayer un chemin jusqu'à nos émotions. Paul Nagle n'a pas perdu la main et nous a concocté un splendide album à la mesure de son talent et de la démesure de son imagination. C'est un album que je recommande fortement à ceux qui recherchent autre chose tout en restant connecté au style de rock alternatif de la England School.

Sylvain Lupari (05/08/11) *****

Disponible au Paul Nagle Bandcamp

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