“Complètement remarquable dans son genre; Perception Analogique est l'exemple typique d'un album qui nous fait remonter les oreilles”
1 A Lucie Nogènes 8:52
2 Les Sens de la Citronnelle 5:04
3 Là, Derrière les Mûres 8:16
4 Oh, Pulsage Sage 5:10
5 Chanvrie Sunday 5:56
6 Plaztik Désoeuvré 5:58
7 Sous les Chalets, il Neige 16:20
8 Cry Babychurch 4:22
(CD 60:00) (V.F.)
(Experimental)
Je n'aime pas parler de quelque chose que je n'aime pas! Je trouve ça préjudiciable pour l'artiste, l'écrivain ou le cinéaste. Ce n'est pas parce que je n'aime pas que c'est nécessairement pas bon! Et pourtant je vais vous parler de Pierre-Jean Lievaux! Par respect pour Olivier Briand, un type que j'aime bien, et pour l'association Patch Work Music, qui fait d'énormes efforts afin de faire connaître la MÉ française, et peu importe les genres, hors de ces frontières. Je vais vous entretenir, histoire de quelques lignes, sur cet écrivain, cinéaste à ses heures, et musicien expérimentaliste qui a signé une quadrilogie sonique sur le concept de la perception où la dissonance et la cacophonie s'expriment mieux que Kate Bush dans ses plus belles ballades éthérées. PERCEPTION ANALOGIQUE est une invitation de Pierre-Jean Lievaux à prendre la navette pour LE voyage sans fin. Et par moments, j'ai donc souhaité que la fin soit proche.
A Lucie Nogènes part les hostilités soniques avec une immersive vague remplie de particules prismiques et de voix parallèles. On y entend un étrange vocable aquatique articuler des psaumes rauques alors que des ondes de synthé, aux tonalités autant surnaturelles que cosmiques, planent sur une structure qui remplit, à mesure que ses secondes fuient, ses 9 minutes avec des battements éparpillés et des souffles creux. Les stries et le dialecte cosmique, de même que les orchestrations lunaires rappellent un peu les moments d'ambiances interstellaires de Jean-Michel Jarre. Ce n'est pas vraiment mauvais, mais il faut vraiment s'y mettre afin d’apprécier un tant soit peu. Et c'est un peu beaucoup le principe avec cet album. Prenons Les Sens de la Citronnelle! À la première écoute on ne remarque pas cette fine mélodie envahissante qui tournoie comme un rêve. On entend seulement les souffles emplis de bruits blancs, des gongs et des carillons toujours éparpillés, de fascinants bruits de crotales, des halètements et des souffles creux. Et pourtant… Là, Derrière les Mûres est une tonitruante phase ambiante où des bruits, drones et carillons nourrissent la fuite. Je n'ai pas été capable. Et ce même si sa deuxième moitié offre un côté plus pur avec des souffles de flûtes et d'instruments à vents tibétains qui énervent les ruades des iules. C'est un passage obligé si l'on veut découvrir l'étonnant Oh, Pulsage Sage qui est un superbe down-tempo très psychédélique avec de bonnes percussions et une ligne de basse ronflante qui martèle un tempo lent dont les fortes mesures assomment une toujours fascinante faune autant organique qu'inorganique. Une énorme surprise que l'on n'attend pas, que l'on n'espère même pas. Moins violent, Chanvrie Sunday est à l'image sonore de Là, Derrière les Mûres. Plaztik Désoeuvré est un titre ambiant avec des lames de synthé qui s'entrecroisent et tissent une mosaïque très serrée où chante une flûte solitaire et crépitent les milliers de pas d'insectes. C'est à la limite du supportable, alors que les premières secondes de Sous les Chalets, il Neige le sont tout simplement.
Encore là il faut persévérer si l'on veut entendre cette délicieuse chorale percée cet épais mur de tonalités criardes. L'effet devient surréaliste. On se demande dans quel album, dans quelle musique de Pierre-Jean Lievaux nous sommes tombés. Certes les bruits blancs persistent. On entend même un étrange déraillement de tonalités organiques, ainsi que des chants d'oiseaux allégoriques. Et étonnement, tout est plus harmonieux, même les clapotis d'eau que l'on sourcille de savoir en plein hiver. L'ensemble, et surtout les rires qui fusent dans une comique enveloppe de macaques, me rapprochent des ambiances de Pink Floyd. Il y a toujours ces voix qui chuchotent l'incompréhensibilité, qui chantent l'adoration pour la dissonance et ces flûtes aux chants aussi sibyllins qui transpirent toute la cacophonie angélique de ce titre qui aurait fait un malheur dans les années psychédéliques. Et suivant un discours politique américain, un rythme totalement déjanté amène les dernières minutes de Sous les Chalets, il Neige aux orées d'une transe clanique indigène qui étonne autant qu'enchante dans cet univers toujours plein de surprises, de découvertes. Et c'est sans doute le plus grand attrait de cet album. De l'inattendu où Aphrodite's Child, Pink Floyd et Vangelis croisent leurs symphonies bacchanales dans un micmac où l'enchantement persiste derrière chaque fracas, derrière chaque incongruité. Cry Babychurch continue dans cette veine de débauche sonique qu'est la seconde portion de Sous les Chalets, il Neige. C'est totalement fou mais on se surprend à trouver ça bon! Même que l'on y trouve une belle mélodie très éthérée qui auréole ce boucan tout de même assez entraînant.
Je n'aime pas parler de quelque chose que je n'aime pas! Surtout lorsque je finis par trouver ça bon. PERCEPTION ANALOGIQUE est l'exemple typique d’un album qui nous fait retrousser les oreilles alors que l'on n’a même pas franchi le tiers de son cadran. Par respect pour mes amis de Patch Work Music, j'ai persévérer et j'ai fini par trouver un album aussi fascinant qu'intéressant où les bruits et le tumulte s'homogénéisent afin d'élaborer des charmes hors conventions. Faut rendre crédit à Pierre-Jean Lievaux qui brique par brique réussit à percer le mur de l'abstrait afin de faire éclore une musique qui transcende les antennes de notre perception dans une symphonie des sons tout de même assez séduisante. Délirant, délicieux et tout à fait remarquable, dans son genre!
Sylvain Lupari (18 Juillet 2014) ***½**
Disponible au Patch Work Music
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