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  • Writer's pictureSylvain Lupari

RENE de BAKKER: Our Gift (2019) (FR)

Updated: Apr 23, 2022

Un croisement entre Chris Franke, au sommet de son art, et Software

1 Gift 18:22

2 Climbing the Sandhill 12:09

3 Brexit 7:31

4 Arguing Voices 13:00

5 Space Carousel 14:03

6 Final Farewell 11:10

(CD 76:05)

(Berlin School)

Des billes cosmiques remplis d'éther s'entrechoquent dans la vastitude du cosmos. Une ombre souffle sur ces boules qui sortent du vide, comme des pets tonitruants d'une Gargouille interstellaire remplie de tons, qui s'évaporent sans dire excuser! Une fine brindille spasmodique, animée d'une figure de galop, remonte les pentes invisibles, donnant une énergie rythmique et mélodique à Gift. Tout se joue sur les ondulations et les effets de chants invisibles qui sortent du séquenceur. Ici comme ailleurs dans OUR GIFT, le séquenceur est l'architecte des carrefours rythmiques engorgés d'embouteillages. Parfois ces rythmes sont fluides et même débridés, comme s'il n'existait plus aucune règle sur les routes rythmiques de OUR GIFT. Mais revenons à Gift! Le synthé jette des filaments atrophiés qui coulent comme des substituts harmoniques dans une structure de rythme qui prend encore plus de mordant lorsqu'arrive une chaleur analogue. Des nappes de synthé rôdent dans le décor, allumant ces ambiances cosmiques à la Jean-Michel Jarre. Elles coulent et prennent ces formes harmoniques alors que le rythme reste explosif de son état stationnaire. C'est à travers les essences du synthésiste Français que la structure de Gift dérive tranquillement avec des séquences qui papillonnent de plus en plus, en mouvement attente, alors que les spectres du cosmos chantent des airs célestes. Ces séquences se fondent dans les bruissements de la zone noire. Des lentes orchestrations recouvrent leurs disparitions alors que la musique de Gift dérive dans un monde d'éther et d'anesthésie. Les orchestrations sont sculptées dans le romantisme et surfent sur les ondes d'une présence sonore toujours pas identifiée. Un très beau mouvement d'un séquenceur, la tonalité fait très analogue-Klaus Schulze, émerge doucement de ces limbes. Une fois sorti, il libère un hôte plus actif qui signifie sa présence par une longue séries de courtes oscillations. Une autre ligne, plus sournoise, arrive. Et une autre…Bref, les multilignes du séquenceur arrivent avec leurs différences et réussissent à cohabiter dans une symbiose qui sépare le rythme statique de la mélodie séquencée.

Qui est Rene de Bakker? C'est le complice de Martin Peters dans Beyond Berlin et OUR GIFT est déjà un 6ième opus qui va plaire à coup sûr aux adeptes de séquenceurs et des évolutions rythmiques programmées par séquenceurs. L'univers de OUR GIFT est un croisement entre celui de Chris Franke, au sommet de son art, et Software avec bien sûr des parfums de Tangerine Dream et même de Jean-Michel Jarre. Ce dernier opus de Rene de Bakker est aussi le tout premier à être produit sur un support CD manufacturé. Et le précieux objet sort des studios de Groove qui connaît toute une année productive en 2019. C'est d'ailleurs avec une approche assez Software, genre séquences limpides en fond de décor et arrangements larmoyants, que Climbing the Sandhill grimpe sur nos lobes d'oreille. Une brise caramélisée sertie de tonalités électroniques se joint à un mouvement quasiment fluide d'un séquenceur qui a encore quelques tonalités en réserves. Le pattern est similaire à Gift, soit beaucoup de séquences qui se libèrent, je pense à Power of Independence, avec des secousses brèves et assez carnassières. Ces billes sautillent sur un convoyeur déréglé, comme ces furieux mouvements décalés et adjacents de Chris Franke. La structure tangue entre vélocité et passivité avec ces mouvements entrecroisés du séquenceur. Il revient donc au synthé de transposer une chaleur plus humaine. Et Rene de Bakker y arrive avec des effets de larmoiements qui ajoutent une tendresse inespérée à cette rythmique plombée par moult mouvements qui trouvent néanmoins une cohérence et qui a sa place dans le bon vieux style Berlin School.

Brexit est un titre intéressant avec son introduction coulée dans les mystères des nappes nébuleuses. Une onde de synthé flotte avec des déplacements et des variations qui lui apportent une essence mélodieuse ambiante. Peu habituée à de telles phases ambiosphérique, à tout le moins jusqu'ici, le séquenceur s'impatiente et sort du silence après deux minutes de décor ambiant. Son mouvement est rude et pressant. Montant des cimes imaginaires, il enjambe vivement des embûches de différentes grosseurs et hauteurs. Deux fronts contraires ne peuvent que créer remous. Et c'est avec un tourbillon de séquences qui tournoie par-dessus des riffs orchestraux que Brexit vise sa finale. Disons que ça illustre assez bien la discorde autour de ce sujet d'actualité. Arguing Voices est mon petit coup de cœur de OUR GIFT. Des voix argumentent effectivement. Des jérémiades de sirènes astrales chantent au-dessus d'un dialogue fantôme et de fascinants pépiements. Mais par-dessus tout, sur une belle structure de rythme animée par des séquences fluides qui scintillent comme si on allumait les étoiles une par une, mais de façon accélérée. Un titre qui passe définitivement trop vite! La Gargouille revient dans Space Carousel. L'introduction fourmille de séquences, d'explosions de tonalités organiques, de billes de bambous et d'effets percussifs qui s'entrechoquent dans des arrangements orchestraux qui semblent égarés dans ce semi-tumulte où hurlent aussi des ombres. Les arrangements réussissent à rassembler tous ces éléments avec une approche arabique qui va tellement à contresens. Et c'est ce qui fait le charme de Space Carousel! Cette fois, ce sont les ambiances qui dictent le pas du séquenceur et de ses lignes tellement déconnectées l'une par rapport à l'autre, stigmatisant cette approche d'anarchie rythmique qui fait son nid dans ce modèle d'orchestrations pour films sur les aventures de Simbad dans le désert Marocain. Plus on écoute et plus on veut écouter! C'est avec des harmonies déchues d'un synthé que Final Farewell accède à sa tourmente. Les larmes s'étendent en nappes ondoyantes qui zigzaguent sur un rempart de percussions et d'effets percussifs couchées par des percussions et des tam-tams aborigènes. Une ligne de séquences, et son débit spasmodique, infiltre ces ambiances insoumises qui peu à peu deviennent plus musicales alors que le séquenceur fouille dans le buffet de Climbing the Sandhill afin de donner les derniers tour de danse à nos neurones mangeuses de séquences mais toujours pas rassasiées. Et si c'est votre cas, OUR GIFT est pour vous!

Sylvain Lupari (23/06/19) ***½**

Disponible chez Groove nl

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