“No More Frontiers est un solide album de MÉ qui se démarque tant par sa richesse et sa profondeur que par son audace”
1 Again and Again 17:23
2 The Lost District 9:47
3 Forwards to the Past 10:32
4 Streaming Stars 14:46
5 No More Frontiers 12:06
(CD-r/DDL 64:34)
(Sequencer-based and progressive Berlin School)
Ouf que c'est lourd. Lourd et noir. Après une intro atmosphérique nourri de bruissements de métal en dissolution, Again and Again offre ses étranges ambiances paranormales à un rythme lourd. Un rythme qui implose avec une incroyable force où les séquences zigzaguent et sautillent comme des pas perdus dans une brume dont le mysticisme est orné de voix spectrales. Lourd et noir, comme à l'époque de Tangerine Dream et des explorations des rythmes électroniques initiées par Chris Franke. Again and Again enfonce nos tympans avec des pulsations sourdes et des séquences résonnantes, amplifiant la course d'un pesant rythme noir qui étend ses lignes paradoxales où harmonies gazouillées par un synthé nasillard chantent sur une structure de rythme créatif tantôt ondulante et tantôt sautillante. Les chœurs chthoniens embrasent les réminiscences des univers Méphistophélique du Dream alors que le rythme, toujours noir, étonne avec ses spasmes d'hésitations qui sautillent sur place, l'enrobant d'un sachet statique où les ombres pulsatrices grignotent nos tympans. Danny Budts, l'homme derrière Syndromeda, aime expérimenter ses sons. D'ailleurs, sa signature musicale est unique dans le domaine de la MÉ sombre et séquencée aux vieilles odeurs de la Berlin School rétro et expérimentale. NO MORE FRONTIERS, son 25ième ou 26ième album solo (le décompte est assez compliqué), affiche un titre judicieux où Dany Budts décloisonne autant les mythes cosmiques que les possibilités de ses synthés et accessoires afin d'offrir des rythmes et ambiances qui sortent de nos frontières. Là où l'imaginaire est plus roi que roi. Et autant le dire d'emblée; même si son univers est unique, Syndromeda aime bien jouer avec les racines de ses influences.
Et c'est ce que l'on entend avec le rythme organique de The Lost District, qui doit avant tout chasser une intro aussi sci-fi que Again and Again. La structure du rythme sautillant, de même que les pulsations glauques qui couinent, me rappellent le rythme batracien de Jean-Michel Jarre sur Zoolook (Ethnicolor). Le synthé hurle des harmonies rageuses alors que le rythme s'approche d'un genre techno avec un maillage de pulsations et de séquences qui sautillent sur la même cadence. Divisé entre son enveloppe éthérée très harmonieuse et son lourd rythme vertical, The Lost District emprunte un peu les mêmes courants rythmiques que Again and Again, mais en moins lourd et sombre, quoiqu'assez intrigant avec ses souffles perfides, et avec plus d'harmonies. C'est un bon titre pour s'initier à l'univers Syndromeda. Si NO MORE FRONTIERS s'amuse avec nos oreilles en présentant des introductions et finales ambiosphérique, cosmiques et morphiques, il a tous les éléments pour nous défoncer les oreilles avec des chassés-croisés rythmiques nourri de séquences aussi pulsatrices que résonnantes. L'ossature rythmique de Forwards to the Past est trop près de Tangerine Dream pour éviter de le souligner. Une nuée de pétillements organiques, de vagues ondoyantes et de cliquetis sonnant comme un dactylo en folie cernent ce rythme dont les amples ondulations roucoulent sous les gémissements d'un synthé qui délaisse ses solos vampiriques pour embrasser une phase plus sci-fi avec des tonalités cosmiques, des solos évasifs et un rythme plus ambiant qui conduisent Forwards to the Past vers sa finale lunaire. La sonorité des synthés de Syndromeda est assez unique. Les lignes harmoniques sont tissées dans des chants nasillards extrêmement pointus alors que les ambiances sont multipliées par des couches ambiguës où des fragrances d'un monde noir marinent avec des lamentations cosmiques, et vice-versa. C'est la trame de fond que l'on retrouve sur Streaming Stars; un titre où les synthés collectionnent les ambiances et les chants contraires sur un rythme ambiant qui tranquillement étonne avec une approche de down-tempo très morphique qui pulse vachement autour d'un chapelet de séquences dont les tonalités de coup sur une enclume scintillent d'une harmonie cristalline et frétillent d'un rythme circulaire stationnaire. Nous nageons les oreilles pleines dans du très bon Syndromeda ambiosphérique. La pièce titre termine l'album avec une structure de musique typique à l'univers fait de complexités de Dany Budts. On y entend une nuée de lignes de séquences voleter dans un bouillon statique alors que d'autres séquences forment un mouvement de rythme minimaliste qui roule en boucle. L'ambiance est brodée de brumes et de voix dissoutes qui fredonnent et flottent dans les chants schizophréniques des synthés enrhumés.
Dans un univers où le Berlin School rétro se nourrit de ses souvenirs, il fait bon d'entendre un artiste comme Syndromeda apporter une touche nettement plus personnelle. Les grosses séquences rutilantes qui grondent par la force de leurs rythmes parallèles et sécants, les ambiances chthoniennes qui fredonnent comme une innocence pervertie et les multiples lignes de synthé qui unissent les deux pôles d'un univers qui caresse les turbulences de l'autre font de NO MORE FRONTIERS un solide album de MÉ qui se démarque, tant par sa richesse que sa profondeur et son audace.
Sylvain Lupari (03/12/13) *****
Disponible au SynGate Bandcamp
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