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Writer's pictureSylvain Lupari

WLADYSLAW KOMENDAREK: Chronowizor (2013) (FR)

Sur cet audacieux album, Komendarek explore librement une approche musicale proche du Krautrock et du psybient avant-gardiste

1 Privatized Brain12:30  

2 Clouds of the Virtual World7:36  

3 Chronowizor13:58  

4 Atomic Clock10:42  

5 Colonization of Time4:05  

6 Controllers of Mankind's Consciousness6:40  

7 Fiery Tongues6:47  

8 Mind Treatment8:24  

9 Secret Center of Pugnacious Gases7:32

(CD 78:14) (V.F.)

(Krautrock, Psychedelic EM)

Quand le désordre, l'anarchie des sons et des structures se coiffe d'un intérêt croissant, cela donne CHRONOWIZOR. La première fois, et la seule, où j'ai vécu l'expérience Komendarek c'était avec l'album de Przemyslaw Rudz; Unexplored Secrets of REM Sleep. On y sentait nettement l'influence du fondateur du groupe Exodus, qui affectionne une musique abstraite imaginée par divers échantillonnages sonores, sur un album qui amenait un Przemyslaw Rudz aux portes de la démesure artistique. C'est exactement la base de cet album. Seule la musique diffère. Au lieu de greffer ses tonalités biscornues et ses échantillonnages de voix schizophréniques sur une MÉ plus ou moins ambiante, Władysław Komendarek explore une approche musicale plus près du Krautrock et des territoires électroniques expérimentaux. Et le résulta étonne. Car derrière cette étrange ambiance de cacophonies des genres et des ambiances se terre de superbes structures musicales qui finissent par donner raison à la démesure de cet artiste plus qu'éclectique.

Et ça débute avec Privatized Brain qui présente une structure de rythme enjouée. C'est 13 minutes habilement martelées où on tape du pied et on interroge de l'oreille. La structure est soutenue par les bonnes frappes de Zbigniew Fyk et cousue d'une ligne de basse aux accords organiques mais où serpentent aussi des cliquetis de chaînes qui surdimensionnent la portée du rythme. Un peu plus et on dirait Alice Cooper et son Welcome to my Nightmare. Cette approche nettement rock désarçonne autant que la direction que prend le titre qui se voit enveloppé par un maillage de voix féminines et flotte sur cet étrange rythme hybride alors que des notes de piano électronique le redirigent vers un genre de fusion entre un lounge et un down-tempo psychédélique. Si le rythme est martelé avec la régularité d'une horloge hypnotique, les ambiances et les harmonies défilent comme un paysage sonique surréaliste où effets sonores et vocaux tissent un délire psychédélique qui entraîne Privatized Brain vers une approche tribale à la jamaïcaine. Embrumé de courant statique, l'introduction de Clouds of the Virtual World érafle l'oreille alors que délicieusement le titre plonge vers une approche de gros blues sensuel qui croise du Big Band américain et du strip-tease du Moulin Rouge de Paris. Faut entendre les synthés mouler des lamentations orgasmiques derrière ces fausses trompettes en délire. J'ai dit; lorsque l'anarchie sonique se coiffe d'un intérêt croissant? Si les deux premiers titres ne sont pas les exemples parfaits, voyons pour la pièce-titre où les premiers accords tombent comme des menaces invisibles. On peut entendre une influence très Tangerine Dream derrière cette introduction où un vocodeur épouse les courbes d'un rythme ambiant processionnel. Comme partout sur CHRONOWIZOR, les synthés tissent d'étranges harmonies spectrales qui rôdent sans vraiment vouloir flirter avec des mélodies. Ici ils miaulent comme des chats errants sur une structure de rythme qui évolue lentement avec des percussions qui claquent dans l'ombre de leurs échos, préférant les enveloppantes ambiances d'un lourd voile mellotronné plutôt que le rythme pur et dur. Et comme cela, sans prévenir, Chronowizor s'enfonce dans les abysses des bruits dissonants avant de donner des derniers sursauts de rythme incongru, un peu comme un chat sur un respirateur artificiel qui rêve de malbouffe au pays des félins sans appétit.

Atomic Clock est le titre qui accroche le plus vite dans cet album. Dès les premiers accords on plonge dans l'univers de rock cosmique à la Jean-Michel Jarre. L'approche respire les parfums d'analogue avec des synthés très musicaux, des rythmes coiffés par des pépiements de séquences et des échantillonnages de voix comme dans les Concerts en Chine. Bref, il n'y a pas de raisons de ne pas aimer. Même les bruits ambiants, qui sont fort actifs, respectent la posologie que Jarre prescrivait à ses titres en concert. Comme quoi que Władysław Komendarek est capable de tout, même de l'ambiant séraphique avec le très doux Colonization of Time. Et ses solos de synthé sont aussi juteux que poignants. C'est un beau titre où l'ambiant prend une toute autre forme en sortant des ondes d'une radio grésillante. Toujours entouré d'une faune sonique aux milles surprises, la musique défile dans une macédoine aux saveurs multidimensionnelles, comme dans l'approche tribale de Controllers of Mankind's Consciousness ou l'approche de techno déjanté de Fiery Tongues ou encore le bruyant, furieux et très trash techno Mind Treatment. Ceux qui connaissent et affectionnent l'univers de Infected Mushroom seront en terrain connu. Secret Center of Pugnacious Gases clôture dans le chaos le plus désordonné avec une approche dramatique cinématographique, avant d'embrasser un rythme aussi lourd que vif. Du gros rock progressif électronique qui rappelle U.K. et E.L.P., période Brain Salad Surgery, aux sommets de leur art. Même la voix….

Je ne ferai pas de cachettes; CHRONOWIZOR n'est pas pour toutes les oreilles. En plus de caresser une multitude de styles musicaux, le synthésiste Polonais arrose copieusement sa musique d'effets soniques qui trouvent toute la beauté de leurs dimensions avec des oreilles prêtent à souffrir dans un bon casque d'écoute. Moi j'ai aimé, mais pas à tous les jours! L'audace de Władysław Komendarek, et ce contrairement à plusieurs artistes du genre, ne se perd pas dans des inepties cacophoniques où seule la démesure peut être un attrait pour ceux qui aiment se vanter de marginalité. Dans le désordre, dans le chaos, ses titres respirent toujours d'une musicalité d'où émergent des harmonies qui n'ont pas peur de copiner avec de l'impressionnisme musical.

Sylvain Lupari (28/09/13) *****

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