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AGE: Néphélomancie (2020) (FR)

Beau et tiraillé vers d'autres cieux, les premières minutes de cet album sont ses plus suspectes. Par la suite, c'est de splendeur à lyrisme...

1 Néphélomancie 51:55

(CD-R/DDL 51:55) (V.F.)

(Ambient Music)

J'ai eu besoin de quelques écoutes afin de bien cerner les 52 minutes de ce récent album du duo Belge AGE qui est aussi disponible en format CD-R chez Groove, comme en téléchargement sur le site Bandcamp de AGE. NÉPHÉLOMANCIE, pour inspection des nuages comme moyen de divination, est une mosaïque musicale dont la plus grande particularité est ce manque d'homogénéité qui se ficèle plutôt bien après quelques écoutes, quelques anti-douleurs et finalement quelques minutes, ou tout au plus une douzaine, afin d'y entendre une certaine cohérence, tant musicale que spirituelle. Cette découverte m'a fait énormément pensé à du bon vieux Vangelis dans le temps qu'il habitait Paris et qu'il songeait déjà de Blade Runner.

C'est avec des pépiements, empruntés à l'ouverture de Even in the Quietest Moments de Supertramp, que la longue pièce-titre élabore son stratagème de séduction. Vous allez constater que j'ai un paquet de références vis-à-vis cet album. Déjà, des complaintes synthétisées portent le sceau de Vangelis! Les arpèges qui y tombent aussi ont cet éclat tonal d'une fragile limpidité. Alors que des éléments d'ambiances plus troubles, comme d'étranges frissonnements, des bruits de tonnerres et des élans séquencés, déjà étouffés après une première bouffée d'oxygène, caressent les toiles de nos tympans en même temps que des ombres réverbérantes se font entendre en circonférence. Le décor plonge aussi dans le sinistre avec des effets de voix à exorciser et des pulsations prismatiques qui tentent de nous aspirer vers l'autre univers parallèle. La beauté mystérieuses des arpèges en verre, que nous entendrons guider nos émotions tout au long des 57 minutes de l'album, et le côté cabalistique de plusieurs éléments d'ambiances flirtent avec la vision apocalyptique de Blade Runner. Surtout lorsque le piano électrique fait dandiner ses accords pensifs un peu après la 10ième minute. D'ailleurs, ces très belles phases oniriques vous rappelleront sans doute cet éternel combat entre la sérénité et son tumulte, plus acoustique va sans dire, de l'album Ignacio du magicien-musicien Grec. Pour le duo Emmanuel D'haeyere et Guy Vachaudez, ces phases sont synonymes d'intégrité artistique puisque les nuages ont aussi cette tendance à la colère et aux irruptions incohérentes lorsque poussés par les vents noirs. Et c'est ainsi que se déroule cette fascinante pièce-titre qui reflète en sons ces images que nous donnons à nos interprétations de la lente course des nuages.

Les roulements de grosses caisses de la 18ième minute annoncent une entrée dans les territoires sino-musicaux de NÉPHÉLOMANCIE dans une structure de rythme symphonique-électronique nettement plus vivante que les 8 dernières minutes qui étaient cousues dans la romance des nuages. Disons que le China de Vangelis est plutôt conquérant dans cette phase de 3 minutes qui nous amène vers un autre segment plus lunaire avec ce piano toujours mélancolique. Nous sommes dans une phase où nous dérivons dans les axes d'une musique plus cosmique. Les dieux et déesses peuvent ainsi admirer le mouvement des nuages qui est poussé par des brises poussiéreuses. Instable, le mouvement reste secoué par de brèves explosions qui fragilisent notre désir de méditation. L'entrée dans les territoires des 30 minutes est axée sur une approche plus méticuleuse, un peu comme dans le Beaubourg de Vangelis. En contrepartie, le côté méditatif devient plus adéquat ici avec des tintements de cloches, des arpèges égarés tintant dans la solitude et même, plus loin, ces chants d'oiseaux matinaux caressés par des voix célestes qui se mettent à fredonner silencieusement. Et NÉPHÉLOMANCIE prend fin dans des murmures de MÉ et de ses effets, redonnant les arguments nécessaires pour réentendre cet album dont l'homogénéité était derrière ses remparts de modifications depuis sa première note. Il fallait juste qu'on entende les 51 minutes du début à la fin, pour en saisir toute sa dimension.

Belles et constamment tiraillées vers d'autres cieux, les premières minutes de NÉPHÉLOMANCIE sont ses plus suspectes! Et il faut dépasser ce cap des 10 minutes que AGE sculpte avec cet envie de mettre nos oreilles au défi. Par la suite c'est de splendeur en lyrisme dans un très bel album onirique.

Sylvain Lupari (22/02/21) ***½**

Disponible chez Groove et au Age Bandcamp

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