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Writer's pictureSylvain Lupari

ANANTAKARA: Ashta (2021) (FR)

Ashta révèle que l'anti-musique peut servir de tremplin à des structures étonnantes

1 The Amethyst Valley 7:16

2 The Citrine Valley 6:56

3 The Hematite Valley 6:08

4 The Jade Valley 6:24

5 The Lapis-Lazuli Valley 6:24

6 The Opal Valley 5:40

7 The Topaz Valley 7:28

8 The journey is the Destination 12:32

(DDL 58:48)

(Ambient, abstract, tribal)

C'est sur un lit d'oscillations séquencées que The Amethyst Valley ne perd pas de temps à identifier un univers musical qui semble inspiré des œuvres minimalistes de Steve Reich et Philip Glass. Ces boucles, qui vont et viennent dans un effet de lasso élastique, initient un second mouvement du séquenceur qui libère des ions gambadant de leur tonalité limpide sous une passerelle d'effets orchestraux, notamment des flûtes diversifiées. Les ions gambadant offrent une perspective d'hypnose lorsqu'ils scintillent en toute liberté avant d'être envahis à nouveau par ces flûtistes invisibles et leur chant séquencé. Ceux qui suivent mes chroniques savent à quel point j'aime les univers, complexes je me dois d'admettre, acoustique et électronique d'Anantakara. Mais joindre ses visions à celle, plus déjantées, de Frédéric Gerchambeau ajoute un zest de suspens à la découverte de ASHTA. Les visions acoustiques et orchestrales s'affrontent dans un album plus près des portes de la musique abstraite. Je ne vous compterais pas de menteries, ASHTA est un album difficile d'accès qui demande de la patience et aussi de faire confiance au flair de Philippe Wauman dans son rôle de calligraphe sonore. Car derrière ces boucles de rythme répétitifs structurées autour d'effets sonores mises en boule séquencée, se cache de belles structures hypnotiques qui se développent dans des harmonies chaotiques qui ne sont pas toujours banales. Moi j'y ai trouvé un bel album créatif qui n'a rien à voir avec je genre que le chronique ici, appartenant beaucoup plus aux mondes de Mike Oldfield, Philip Glass et autres. Mais étant un album d'Anantakara...

Cette première structure de rythme de ASHTA sert la cause de The Citrine Valley. Le titre dépose son ancre sur un autre mouvement magnétisant nourrit d'ions scintillant dans une rotation imparfaite. Les coups d'archet dissimulent l'anomalie de ces boucles minimalistes, de même que la timide présence d'une six-cordes acoustique. Une guitare qui domine de ses accords séquencés un frénétique rythme tribal amérindien émergeant calmement après la 2ième minute, structurant une transe païenne qui se dirige vers des sommets de sérénité lorsque des instruments à vent, et plus tard à cordes, ajoutent un aspect plus passionnel à ce titre ésotérique. À date, l'écoute et la découverte de ASHTA se font sans heurts culturels. The Jade Valley est la première pépite discordante de cet album. Le principe des ions gambadant dans des cercles imparfaits s'applique aussi à son ouverture. La structure de rythme se subdivise dans un ensemble répétitif basé sur les effet de canons. Les chants affolés d'une voix prismatique survolent librement la première minute. C'est suivi par des coups insistants qui résonnent avec des cercles de réverbérations se rapprochant, structurant deux visions rhythmiques diantrement opposées. La voix est désormais remplacée par des cors criant sur le même beat harmonique alors que des gribouillis sonores entachent la progression d'un titre courant librement sur la folie créatrice de ses deux concepteurs. Il faut écouter attentivement ce The Jade Valley afin d'apprécier ces éléments musicaux qui se soudent dans un chaos toujours prêt à libérer un filtre de charme.

Nous avons traversé la moitié de l'album pour entendre le rythme festif de The Lapis-Lazuli Valley. Le travail des percussions est phénoménal sur ce titre qui repose aussi sur des boucles répétitives afin d'assurer une forte texture de rythme roulant en continu. C'est idéal pour faire chanter un saxophone en stéréo, alors que tintent toujours cette coutellerie rythmique, et le fil d'une six-cordes acoustique qui rendent un fascinant duel harmonique à ce titre léger et festif qu'un piano attend à sa finale. Austère avec sa marche des ombres, comme enjoué avec les accords pincés d'un instrument acoustique, The Opal Valley accueille une structure de rythme sise sur des cercles de gazouillis pour faire progresser sa tortueuse marche symbolique. Les deux musiciens donnent ici l'impression que la discorde s'accepte mieux sur un rythme de danse où dansent un piano perdu dans ce courant rythmique guidé par une ligne de basse affamée. Et ça donne l'effet escompté jusqu'à le rythme s'effondre pour laisser entendre un chant de flûte sur une texture de gazouillis séquencés. Un exercice aussi difficile que The Jade Valley, alors que The Topaz Valley exploite une structure similaire qui ne cesse de se développer pour nous offrir un très bon moment intense et passionné. Un chaos sonore livré en boucles séquencées appuie la démarche minimaliste de The journey is the Destination qui entend à travers chaque instrument une raison de les annexer à ce long parcours sonore qui flirte avec la musique abstraite. Sauf que lorsque le découragement s'empare de notre volonté à aimer cet album, et ça c'est autant ici comme dans la plupart des titres de ASHTA, il y a toujours un élément qui sort, comme les clairons, des tintements de cloches et même une nouvelle direction rythmique, pour nous visser à nos écouteurs.

Pas de cachettes, voilà un album qui demande beaucoup de patience pour découvrir ses charmes. Et ils sont nombreux! Des structures, pour la plupart décousues et même déjantées, ASHTA révèle que l’anti-musique peut servir de tremplins vers d'étonnantes structures qui met en relief le génie d'Anantakara et de Frédéric Gerchambeau qui paraît nettement mieux ici qu'avec mon ami Bertrand Loreau.

PS: Le CD sera disponible en septembre 21

Sylvain Lupari (29/08/21) *****

Disponible chez Anantakara Bandcamp

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