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  • Writer's pictureSylvain Lupari

Desensitized Chaos in Premonition (2022) (FR)

Une fresque atmosphérique avec une riche palette de tons qui nous entraînent vers des territoires inconnus

1 Ionic Realms (Victronomy Plubonius) 4:52

2 Abundant Time (Stemiostratamos) 4:45

3 Chaos in Premonition (Firestimo Mutato) 8:53

4 Deep Chasm (Subliminostrum) 10:39

5 Mutations of the Highest Order (MOTHO) 8:47

6 Logic of Expression (Praetoreum) 5:39


7 Immortals and their Graves (Sacriligonus) 7:37

8 Crevices in Dark Places (Anexplicora) 7:12

9 Sleep of Innocence (Embulata) 4:52

(CD/DDL 63:16)

(Progressive ambient music)

L'ouverture de Ionic Realms (Victronomy Plubonius) nous invite dans un fascinant univers musical où les sons revêtent un caractère propre à l'interprétation qu'en fera notre imagination. Des interférences d'un autre univers pétillent sur une onde d'effets suintants et glauques, comme une eau boueuse. J'imagine aisément une créature des marais, j'entends sa respiration, souder des minuscules fils de communication dans un laboratoire où les haut-parleurs font planer des ondes de synthé plus chloroformiques qu'orchestrales. Des nappes de voix se greffent aux mouvements flottant de ces nappes tandis que des effets percussifs mous et imbibées d'eau se désagrègent ou résonnent comme un corps mou qui tombe sur un carrelage caoutchouteux. Le titre, et il n'est pas le seul dans ce CHAOS IN PREMONITION, affûte un questionnement sur notre perception sensorielle avec une dimension sonore qui défie le pouvoir de l'imagination. Les nappes de synthé ont cette texture bivalente où les fredonnements, les soupirs de l'âme se transforment sans effort en une communication entre deux baleines dépressives. Les ondes zigzaguent avec des effets percussifs plus sentis et des explosions sourdes, amplifiant le seuil d'intensité dès que Ionic Realms (Victronomy Plubonius) dépasse le seuil de sa mi-temps. Bienvenue dans l'univers des fantasmes sonores et musicaux de Desensitized. Ce second CD de Deborah Martin et Dean De Benedictis est constitué de 9 fresques musicales conçues sur le même principe que Hemispherica Portalis (Portal of 1000 Years), soit sur la base d'une improvisation qui est fortement inspirée de la vie après la mort. Le duo très éclectique s'inspire de leurs racines en proposant une dimension musicale sertie sur une panoplie d'instruments à vents, flûtes, ocarinas et autres, et de percussions tribales, comme les merveilleux bols tibétains et percussions d'argile, qui s'accordent aux synthés, tant analogues que numériques, et leurs infinis perceptions orchestrales comme atmosphériques dans des mosaïques où les effets sonores, comme les échantillonnages, sont l'apanage d'une démesure créatrice où tout est possible. Après-tout, ne sommes-nous pas dans ce labyrinthe de la vie après la mort?

C'est un pouls cardiaque qui débloque Abundant Time (Stemiostratamos). Les ondes de synthé miroitent, vibrionnent et crissent d'un bleu argenté, comme une floppée de spectres impatients devant la prochaine âme à venir. Un air insoupçonné s’en évade et deviendra obsessionnel, comme une mélodie évasive. Le temps est symbolisé par différents cliquetis de cadrans et d'horloges ainsi que des accords lumineux. Il bat à contretemps autour de ce rythme ambiant qui suit une cadence circadienne. Un nuage de vrombissements s'étend tout autour, tissant ainsi une toile d'intensité qui s'épaissit à mesure que la finale approche. Et c'en est ainsi dans tous les panoramas musicaux de CHAOS IN PREMONITION. Chaque titre évolue avec intensité, même dans un cocon atmosphérique! Une suite d'accords coulant comme une rivière se fracassant sur des obstacles ouvre le très atmosphérique Chaos in Premonition (Firestimo Mutato). Des lames de synthé aux couleurs iridescentes garnissent son horizon, de même que des accords acoustiques qui stimulent une lente procession harmonieuse. Si les lames de synthé ont cette tendance à découper les fils des ambiances, l'ombre de basse qui vibrionne momentanément ajoute une vision plus dramatique. Une structure de percussions, aux teintes métissées et au débit aussi agité qu'une rafale de mitraillette, est à l'origine d'un chaos passager. Et de l'autre côté du spectre, divers effets sonores, des airs de flûtes et des cliquetis organiques sont parmi ces éléments qui font évoluer la musique dans une texture hétérogène dont l'essentiel stimule un environnement flirtant avec ce combat qui abandonne la vie. Avec ces pads de synthé qui tombent comme une respiration en manque d'oxygène, l'ouverture de Deep Chasm (Subliminostrum) a de quoi troublé l'esprit. Ce long titre est une symphonie des vents, qu'ils soient flûtés ou possédés par des voix, ils soufflent avec une mélange de brises creuses dans un mouvement tranquille et tout de même assez musical. Des échantillonnages d'une nuit près de l’orée d'un bois ornent ce panorama passif qui évolue avec une intensité dominée par des nappes de voix chtoniennes.

Une onde de synthé aux couleurs contrastantes et des bruissements de vents transportant des éléments percussifs organiques font entrer Mutations of the Highest Order (MOTHO) dans notre subconscient. L'ouverture se nappe aussi de bruissements sous forme de cliquetis, de voix séraphiques, de tintements de clochettes et autres tonalités de percussions acoustiques avant de s'engouffrer dans un passage dominé par de lourdes brises hurlantes. Les ambiances s'épurent tranquillement, laissant entendre ces cliquetis organiques qui s'agitent comme des ailes de grillons ronronnant, formant un rythme abstrait qui ajoute d'irréelles empreintes de sabots dans le dernier tiers du titre. Malgré ces éléments, la finale de Mutations of the Highest Order (MOTHO) est sous le sceau de la sérénité. Logic of Expression (Praetoreum) est le seul titre de CHAOS IN PREMONITION à proposer une structure de rythme. Un rythme lent, certes, mais drôlement entraînant pour les neurones. Disons un rythme hypnotique avec des tam-tams aborigènes qui chantent sous des brises aux couleurs de l'iris et de très beaux chants flûtés. Les ambiances sont du genre renaissance avec une vision nettement plus épurée ici qu'ailleurs dans l'album. Le travail des percussions est le joyau de ce titre, quoique la flûte ne soit pas à dédaigner. Il façonne ce rythme envoutant comme une lente transe spirituelle qui fait du bien à ce stade-ci dans ce second album deDesensitized. Immortals and their Graves (Sacriligonus) repose sur quelques couches de flûte, dont une avec une présence plus éthérée de par ses chants acuités comme ses harmonies sereines. Les autres couches servent de lit à des ambiances qui s'enrichissent avec la présence de bourdonnements, de coups de percussions éparses, d'échantillonnages de dialogues et ces chevrotements parmi les ombres bourdonnantes qui ajoutent une dimension dramatique à ce titre qui dévie vers des rivages expressionnistes sonores en seconde partie. Un effet de stridulation, incluant un langage organique qui flirte avec l'univers de l'épouvante, ouvre Crevices in Dark Places (Anexplicora). Les bruissements des commères de nuits sont les guides de ce titre aux ambiances sonores toujours finement détaillées par des textures de flûte, des ombres de synthé ocrées, des vrombissements inquiétants et des échantillonnages de tonnerres. La seconde partie est toujours plus intense. Sleep of Innocence (Embulata) termine CHAOS IN PREMONITION avec un concerto pour accords de carillons et autres tintements harmoniques. Une nappe de synthé étend son rayonnement séraphique au-dessus de ces carillons qui luisent d'une énergie céleste. Des fredonnements, plus murmurés que chantés, se mêlent aux discrètes présences des drones sonores, dans un titre dont les carillons de l'espoir apportent une touche très lyrique aux paysages de ce nouvel album de Deborah Martin et Dean De Benedictis.

Le sujet abordé par Desensitized transcende les frontières psybient de Hemispherica Portalis (Portal of 1000 Years) avec une perception qui flirte littéralement avec les moults recueils et histoires de la vie après la mort. Il faut souligner ici le travail de Howard Givens qui a donné toute la noblesse à cette impressionnante toile sonore dans un mixage adéquat où toutes sources de sons coulent avec l'effet désiré par les deux musiciens américains. C'est une des grandes forces de cet album, alors que sa plus grande est d'y croire, tant les 63 minutes de CHAOS IN PREMONITION nous amène dans des territoires inconnus.

Sylvain Lupari (03/11/22) ****¼*

Disponible chez Spotted Peccary Music

(NB : Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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