“Rythmes mous, ambiants, statiques et légèrement vivants, Triza est pour moi et sans aucun doute le meilleur album de Gert Emmens depuis très longtemps”
1 The Shelter in Sector 5 13:31 2 When Twilight Announces the Night to Come 10:52 3 Where is Triza? 12:41 4 Nightlife 10:37 5 Wanderers of the Streets 25:36 Groove | GR-218 (CD 73:17) (Ambient beats and Netherlands School)
Des effets électroniques et de lentes nappes de synthé qui flottent dans un ciel séraphique ouvrent le paysage sonique de TRIZA. Déjà, l'enveloppe sonore de Gert Emmens infiltre, et nos oreilles et nos sens. Un délicat mouvement de séquences fait tinter des ions qui dansent dans des vents creux. La première figure rythmique de The Shelter in Sector 5 est fragilisée par ces ions qui sautillent dans un lent mouvement ondulatoire et où les nuances dans les tons se font damer le pion par une muraille de brouillard électronique et ces solos si rêveurs et si près des fragrances d'un saxophoniste solitaire de l'ami Gert. On nage en pleine signature Emmens avec cette structure flottante riche en effets et bien nourrie, et par un mouvement de séquences hypnotiques et par ces solos qui se font un chemin vers notre âme. Et soudain, comme une menace, ces éléments se fanent à l'orée des 6 minutes. Seules de lentes nappes ocrées flottent et voyagent pour 90 secondes entre deux horizons. Et c'est là que des séquences pulsatrices jouent du tam-tam avant de développer une splendide figure de rythme flottant où les ions inter verseront une structure construite sur deux éléments de séquences qui sautillent et ondulent dans des vents séraphiques et dans ces beaux solos nostalgiques. Ça mes amis, c'est du vrai bon Gert Emmens! Lorsque je débute l'analyse d'un album je le fais toujours en lisant. Lorsque mes oreilles me tirent du livre, je comprends qu'il y a quelque chose de très intéressant qui se passe. Les derniers albums de Gert m'avaient laissé sur mon appétit. Je trouvais qu'il y manquait ce petit quelque chose qui m'avait tellement séduit lors de ses premiers opus. Eh bien, j'ai été ravi par TRIZA!
Des rythmes mous, ambiants, stationnaires et aussi légèrement entraînants. Des ambiances riches en tons et hautes en couleurs des sons. Un esthétisme sonore très relevé. Et ces solos toujours aussi enivrant que pénétrant! TRIZA est sans aucun doute le meilleur album de Gert Emmens depuis fort longtemps. Et c'est sans doute un retour aux sources pour le musicien/synthésiste Hollandais. Délaissant son approche de rock progressif électronique et de musique ambiante pour retourner au style de la Netherlands School, qui lui a ouvert les oreilles des fans de MÉ à travers le monde, Gert Emmens signe ici son meilleur album depuis A Boy's World en 2007. Et pour mes goûts, depuis son sublime Waves of Dreams en 2004. Fidèle à ses valeurs artistiques, le sympathique Gert reste toujours dans l'approche d'album concept et à ce niveau TRIZA traite des différents aspects de la souffrance. Ça s'entend, ça se sent partout au travers les 5 titres et les 73 minutes de l'album. Et c'est aussi très apparent dans l'ouverture de When Twilight Announces the Night to Come où des brises nasillardes, des woosh et des wiish métalliques ainsi que des vents creux fouettent un piano très mélancolique. Un fin mouvement de séquences fait dandiner ses ions qui sautillent avec tellement de mouron dans le rythme que les larmes de synthé qui crissent en arrière-plan nous semble joyeuses alors qu'on les devine moqueuses, sinon hargneuses. Les notes de piano reviennent hanter ces hurlements alors que le rythme, toujours placide, semble gagner en vigueur, surtout lorsqu'il nourrit sa force avec de fines pulsations basses et avec l'ajout d'une autre ligne de séquences qui sculpte un autre de ces rythmes ambiants si chère à la signature Emmens. Et ce synthé si morose qui chante! La symbiose de tous ces éléments est fascinante alors que When Twilight Announces the Night to Come restera menaçant et flottant sans jamais exploser. Cette explosion viendra avec Where is Triza? mais pas vraiment comme on l'imaginait. Sa structure d'ouverture est taillée dans la soie avec deux lignes de riffs de guitare, une minimaliste et l'autre plus harmonique, qui flottent doucement dans des vents d'Orion. Une ligne de séquences fait galoper ses ions qui s'agitent nerveusement et finissent par onduler dans un mouvement ambiant stationnaire. Des percussions picorées par des effets de crotales s'ajoutent, de même que des nappes de synthé aux caresses d'éther. Ça devient très séraphique, même si notre main tapote légèrement la cuisse en suivant la courbe d'un rythme que l'on devine plus sauvage. Des solos nasillards s'offrent en harmonies, traçant un parallèle contrastant avec tous ces éléments qui font de cette introduction un genre de coït musical qui atteindra son nirvana avec un superbe mouvement à la Stratosfear vers la 7ième minute. Ayoye! Les flûtes, les effets et la structure pulsatrice légèrement zigzagante sont des bijoux qui se perdront dans une finale ambiosphérique rongée par la démence. Tout un titre mes amis!
Nightlife est aussi séduisant que The Shelter in Sector 5 alors que Wanderers of the Streets offre une structure plus travaillée qui s'arrime à tous les vaisseaux de la MÉ des années 80. Après une intro très ambiosphérique où les woosh poussent des particules soniques qui pépient avec un langage informatique, une ligne de séquences pulsatrices fait sautiller ses ions et leurs doubles qui sont teintés d'une tonalité plus métallique. Par la suite le rythme se déploie plus en un long squelette ondulatoire qui serpente des ambiances électroniques parfumées d'effets cosmiques et d'effets électroniques des années Hyperborea. J'aime cette fusion de Jean-Michel Jarre et Tangerine Dream, aussi discrète soit-elle, où les solos et les harmonies de Gert Emmens maintiennent son identité sonique avec des solos qui sont aussi doux et qui suivent la courbe de ce rythme un peu mou qui affiche des élans de vélocité passagères. Fidèle à ces longues structures de MÉ, Wanderers of the Streets approche une phase plus ambiante vers la 11ième minute. Ce passage est fortement appuyé par des nappes de synthé très enveloppantes et des bourdonnements lointains, mettant la table à une 2ième partie qui étalera une structure de rythme plus nourrie avec un mouvement de séquences circulaire où les ions sautillent avec leurs ombres. L'enveloppe ambiosphérique est plus dense et est nourrie d'un épais brouillard cosmique où rôdent des nappes de voix et des effets qui sont aussi plus riches que dans les premiers instants de Wanderers of the Streets. Un piano émerge de ce brouillard, amenant une dose de mélancolie qui sera accentuée par de bons solos aussi nasillards qu'un saxophoniste enrhumé et qui sont aussi parfumés des trompettes astrales. C'est du très bon Gert Emmens. Et ce TRIZA est l'une des bonnes surprises tout à fait inattendues en cette fin d'année. À se procurer sans hésitation!
Sylvain Lupari (26/11/15) ****½*
Disponible chez Groove NL
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