• Sylvain Lupari

TANGERINE DREAM: Ricochet (1975) (FR)

“Ce qui a construit la lĂ©gende autour de Tangerine Dream, ce sont sans aucun doute les concerts entre les annĂ©es 74 et 77”

1 Ricochet Pt. 1 (17:03)

2 Ricochet Pt. 2 (21:11)

CD Virgin 90932-2

(CD 38:14) (Berlin School)

Ce qui a construit la lĂ©gende autour de Tangerine Dream fut sans contredit les concerts dans les annĂ©es 74 Ă  77. L'Ăšre de Peter Baumann!Il y avait tout un monde de diffĂ©rence entre entendre un album et voir le trio Allemand sur scĂšne. Plus sobre en studio, Baumann, Franke et Froese brassaient carrĂ©ment la baraque lors de leurs concerts. Un exploit si l'on considĂšre la fragilitĂ© et l'instabilitĂ© des Ă©quipements de l'Ă©poque. Ce constat amena le trio Allemand Ă  crĂ©er de la pure Musique Électronique (MÉ) expĂ©rimentale qui Ă©tait guidĂ©e sous l'impulsion du moment, sous le sceau de l'improvisation. De ces annĂ©es, et jusqu'Ă  l'arrivĂ©e d'Internet, il s'est rĂ©alisĂ© quantitĂ© d’enregistrements pirates (ce qu'on appelle des bootlegs), dont les fameux concert Ă  la cathĂ©drale de Reims en 74 (concert qui a mĂȘme chauffĂ© le derriĂšre de quelques dignitaires du Vatican) et le prestigieux concert au Royal Albert Hall en 75 qui a donnĂ© l'excellent bootleg Ruby in the Sky. ExtrĂȘmement populaire en France, RICOCHET a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© justement lors des concerts donnĂ©s dans des Ă©glises en France et en Angleterre lors de la tournĂ©e de l'Ă©tĂ© 75. Deux longues parties composent cette grande messe Ă©lectronique improvisĂ©e. Devant la fragile instabilitĂ© des instruments, il fallait reprogrammer les synthĂ©s, sĂ©quenceurs et mellotron Ă  chaque dĂ©mĂ©nagement. Donc, de ville en ville Tangerine Dream improvisait Ă  partir d'un noyau ciblĂ© dans l'espoir de revenir Ă  l'idĂ©e principale.

Ricochet Pt. 1, comme Ricochet Pt. 2, dĂ©marre trĂšs lentement. Si un lĂ©ger piano pave la voie Ă  Ricochet Pt. 2 ici c'est une intro plus atmosphĂ©rique qui se fait entendre. Une longiligne onde de rĂ©verbĂ©rations suit les applaudissements nourris en crĂ©ant des points d'impulsions statiques. Les rĂ©sonances qui en sortent filtrent une mĂ©lodie inachevĂ©e qui pulse sur des percussions qui pĂ©tillent comme des libellules en feu. Un rythme Ă©merge de cette introduction de nĂ©bulositĂ©, structurant un lent dĂ©bit de rock progressif moulĂ© par une ligne de basse qui monte et redescend son dĂ©bit tout en servant d'appui Ă  un genre de solo de percussions Ă©lectroniques. Des nappes de synthĂ© recouvrent ces battements mĂ©talliques, et autres Ă©chantillonnages de percussions manuelles, ainsi que des riffs tranquilles de la guitare d'Edgar Froese. J'ai une image sonore d'Iron Butterfly et In a Gadda da Vida ici. Le rythme est lent, planant avec des percussions qui sonnent trĂšs Pink Floyd alors que le synthĂ©, instrument oubliĂ© dans le dĂ©cor multiplie ses souffles de trompettes philharmoniques tout en restituant sa dose de brume astrale. La premiĂšre phase de Ricochet Pt. 1 se dirige tranquillement vers un repaire plus psychĂ©dĂ©lique avec ses effets de murmures industriels indĂ©chiffrables, avant que le titre explose avec une vicieuse envolĂ©e du sĂ©quenceur et sa ligne ondulatoire ambulante qui se fait picorer par des percussions qui tambourinent Ă  la mĂȘme vitesse sous les strates de la six-cordes Ă  Edgar et finalement ces chants de spectres des synthĂ©tiseurs. Nous ne sommes pas loin de Stratosfear et Phaedra, sans y ĂȘtre. Ricochet Pt. 1 est tout simplement furieux, et pour l'Ă©poque Ă©tait un pur coup de gĂ©nie!

Et Ricochet Pt. 2 n'est pas en reste. Un noble piano, suivi du mellotron et ses charmes de flĂ»tes vaporeuses sont dignitaires d'une introduction qui nous porte aux rĂȘves. Un synthĂ© suit pas loin. Il est dans le dĂ©cor et suit la courbe harmonieuse du mellotron dont la derniĂšre ligne vapeur d'une note se termine par une onde aiguisĂ©e. C'est de lĂ  que le lĂ©gendaire chatoiement du sĂ©quenceur tisse ce bouillon de rythme argentĂ© qui donne le dĂ©part Ă  Ricochet Pt. 2. Une ligne plus basse, des percussions et cette mĂ©lodie sĂ©quencĂ©e font tapage et harmonie dans une courbe rythmique enveloppĂ©e des doux rayons symphoniques d'un synthĂ© et de ses airs de trompettes cĂ©leste. Le rythme ici est plus relevĂ© avec plusieurs lignes qui font Ă©cho et qui surdimensionnent une structure ascendante qui explose autant sur les basses sĂ©quences que les cliquetis des effets percussifs. Des nappes de voix trĂšs lointaines et des solos de synthĂ©s qui se dĂ©tachent des nappes astrales forgent un dĂ©cor hallucinant pour un album de rock planant, tel que RICOCHET Ă©tait dĂ©crit. Un duel entre la guitare d'Edgar et le synthĂ© de Peter Baumann allume encore plus les ambiances qui dĂ©vient aussi vers une phase plus ambiosphĂ©rique oĂč Ă©chantillonnages de voix et de percussions allument une folie psychĂ©dĂ©lique passagĂšre. Des souvenirs des premiers instants Ă©veillent encore Ricochet Pt. 2 qui plonge dans une autre phase de dĂ©lire rythmique sĂ©quencĂ© plus saccadĂ© et oĂč les ambiances de la guitare et ce chant miroitant nous rappelle que la MÉ est loin d'ĂȘtre juste un truc froid et sans ingĂ©niositĂ©. C'est bel et bien un art qui peut ĂȘtre extrĂȘmement sĂ©duisant et convaincant aux mains d'artistes crĂ©atifs qui veulent pousser les limites toujours plus loin. Comme Tangerine Dream!

Monument incontournable dans la discographie de Tangerine Dream, RICOCHET dĂ©montre tout le cĂŽtĂ© rock progressif trĂšs entraĂźnant du trio Allemand. C'est un festin de MÉ qui est Ă  l'image de la crĂ©ativitĂ© d'Edgar Froese, Chris Franke et Peter Baumann qui, prĂšs de 40 ans plus loin, possĂšde encore toute sa noblesse.

Sylvain Lupari (2006-2015) *****

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