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  • Writer's pictureSylvain Lupari

d'Voxx 1984 (2022) (FR)

Une œuvre audacieuse où l'imagination est primordiale pour suivre les étapes du roman de George Orwell

1 Airstrip One 4:53

2 Doublethink (A study in Newspeak) 4:02

3 Julia 6:12

4 The Place where there is no Darkness 5:40

5 Ministry of Love (Miniluv) 6:36

6 Telescreens 4:24

7 Ministry of Truth (Minitrue) 5:10

8 The re-education of Winston 4:08

DiN75

(CD/DDL 41:25)

(Avant-gardism EM, IDM, Electronica)

d'Voxx avait fait écarquiller bien des oreilles avec l'étonnant Telegraph (DiN58) en 2019. Cette première œuvre musicale de Nino Auricchio et Paul Borg était construite sur un impressionnant maillage de filons rythmiques qui était l'apanage de rythmes aussi complexes que la masse de sons qui sortait des synthés modulaires. Survivre à un tel album et à un tel niveau de complexité créative demande une œuvre à la hauteur mais aussi à démesure qui lie le talent de ses 2 musiciens aux immenses possibilités de leurs instruments. Et pourquoi pas 1984? On ne s'attaque pas à une œuvre littéraire aussi grandiose sans avoir de l'audace afin de créer un univers dystopique à la grandeur de ce célèbre roman de George Owell. David Bowie s'est attaqué à ce roman culte en 1975 avec l'inoubliable Diamond Dogs. Il n'a jamais obtenu la permission d'intituler cet album 1984. Mais l'essence du livre y était. Contrairement à Bowie, d'Voxx a obtenu la permission des héritiers de l'écrivain Anglais d'utiliser le nom du roman ainsi que certains passages, récités soit en ouverture des titres ou carrément en plein milieu de la musique, qui guident un peu mieux l’auditeur au travers ce labyrinthe de rythmes toujours aussi alambiqués. Le résultat est assez étonnant! De Airstrip One à The re-education of Winston, la musique nous replonge dans les ambiances de ce livre avec des rythmes de feu construit dans un amalgame de fils disjonctés qui se reconnectent avec ingéniosité sous une explosion de sons tricotés en couches atmosphériques et/ou en mélodies ambiantes où l'espoir, la trahison et l'angoisse sont aussi palpables que cette peur qui a terrassé ce pauvre Winston au ministère de la vérité.

Des échantillonnages d'une vie quartier en pleine agitation, l'intrusion de la police de la pensée, ouvrent Airstrip One. Très tôt, une ligne de synthé étend un chant mélodieux teinté de spleen. Ses boucles magnétisantes roulent sur des ondes plaintives pour s'évaporer lorsqu'une ligne de basse-pulsations émerge un peu avant la 90ième seconde. Le rythme est vif, noir, résonnant et ondulatoire. Son mouvement ascensionnel est aussitôt joint par une ombre qui projette des éléments de percussions, alors que le synthé injecte une ligne de mélodie qui chante d'une texture abrasive et qui aide à propulser le rythme vers une dimension plus entraînante. Déjà, nos oreilles sont saisies par la riche texture tonale de d'Voxx. Et ce n'est que le début de l'aventure! Une voix narrant un passage du livre est à l'origine de Doublethink (A study in Newspeak). Cette ouverture de 40 secondes est effacée par un rythme pulsatoire dont les double-coups durs projettent une ombre de fortes vibrations dans les oreilles. Ici aussi, les effets percussifs donnent un plus à l'esthétisme du travail des percussions de l'album avec des cliquetis métalliques et des effets de frappes de dactylo tournoyant comme une mitraillettes à mots. Les percussions martèlent une structure atmosphérique décousue par saccades, on dirait un breakdance atmosphérique, avec la précision d'un métronome. L'environnement sous-jacent est composé de voix et une en particulier qui rappelle le style mécanique de Max Headroom. Nos oreilles débordant comme une corne d'abondance sonore se collent à l'introduction atmosphérique, avec un penchant lyrique, de Julia. Une ouverture cinématographique de 70 secondes avant que le séquenceur injecte une ligne de rythme ondulant sur une ligne de basse-pulsations conçue en mode course. La tonalité du séquenceur se métamorphose en une structure de rythme moiré. Et ceux qui ont en mémoire le magnifique album de Eddie Jobson, Theme of Secrets, seront ravis par ce mouvement dont les coups assourdissants d'un caisson de graves restructurent en un techno. Une autre ligne de séquences plus limpides se greffent, témoignant de cette pluralité des lignes et structures de rythmes qui s'affrontent dans chacun des titres de 1984. C'est à ce moment que le synthé tisse les toiles d'une mélodie vampirique. Un passage atmosphérique sert d'intermède pour d'autres textes du livre avant que le rythme ne renaisse dans une structure survoltée dont on ne peut ignorer les influences de Jean-Michel Jarre sur cette finale endiablée de Julia.

Autre court texte introductif et The Place where there is no Darkness décolle avec un nuage d'oscillations dont la séquence roule en boucles ascendantes. Une onde spectrale et une autre bourdonnante couvrent ce mouvement où une ligne de rythme circulaire aux accords plus lumineux s'invite autour de la 70ième seconde. Un autre élément de rythme, des toom-toom, structure un rythme pulsatoire plus rapide alors que des oscillations cadencées roulent à perdre haleine. Le rythme est cousu de plusieurs toiles qui convergent en symbiose, ajoutant cette structure de cerceaux qui chevrote d'une oreille à l'autre, alors que la structure d'oscillations de l'ouverture est devenue l'âme harmonieuse du titre. De lourdes pulsations (boom-boom) technoïdes martèlent la principale phase rythmique de Ministry of Love (Miniluv). Il y a plusieurs éléments qui composent ce rythme pulsatoire lourd et vif où l'impression de courir à bout de souffle relève d'un travail méticuleux et d'un assemblage d'éléments percussifs dont les alliages résonnent autant que tintent. Du rythme purement angoissant! Telescreens propose une structure sans direction rythmique précise. Le titre bouillonne d'effets sonores, dont certains ont un objectif de rythme avec une horde de basses pulsations et de battements qui s'entrechoquent dans une dense toile de sons atmosphériques. L'écho de certaines percussions et les effets de rebonds caoutchouteux sont parmi les éléments, on note aussi des tintements téléphoniques, qui attisent la curiosité auditive tout en étant complémentaire à l'orientation du titre. Un autre élément de séduction est cette forme de langage électronique qui rappelle vaguement l'univers Kraftwerk dans Computer World. Ministry of Truth (Minitrue) débute par une série de pulsations sourdes et une ligne d'accords cadencés qui ondulent en effectuant de larges cercles harmoniques. Fragmenté par plusieurs éléments qui se rejoignent en une étonnante symbiose, le rythme est donc plus fluide et plus mélodieux ici qu'ailleurs dans 1984. Le titre possède une essence de synthpop à la OMD ou encore Frankie Goes to Hollywood mais dans une texture plus futuriste. The re-education of Winston est le seul titre vraiment atmosphérique avec des nappes de synthé qui flottent et transportent des bruits-blancs sur une structure légèrement animée par des coups éparses de basses pulsations. Les ondes de synthé développent une présence de plus en plus dramatique, évoquant ce chagrin secret de Winston.

Une œuvre audacieuse où l'imagination est primordiale pour suivre les étapes du roman de George Orwell, la musique de 1984 ne possède des mots que ce sentiment d'urgence de vivre qui se cache derrière un barrage de rythmes complexes. d'Voxx ose l'improbable en créant une multitude de fils conducteurs d'une symphonie électronique pour rythmes avant-gardistes qui frappe de plein fouet l'âme du livre. Sa latente angoisse…Chapeau messieurs Auricchio et Borg! Disponible chez DiN à partir du 18 Novembre prochain

Sylvain Lupari (04/11/22) *****

Disponible au DiN Bandcamp

(NB : Les mots en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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