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  • Writer's pictureSylvain Lupari

Forrest Fang The Lost Seasons of Amorphia (2022) (FR)

Énigmatique, sombre et lyrique, il y a de l'émotion au pouce carré dans ce CD

1 The Isle of Welcome 21:46

2 Throwing Salt 7:45

3 Inlets 5:58

4 A Shadow on the Shore 11:00

5 From Post to Palm 8:09

6 Distant Figure 5:44

7 Urchins 8:22

(CD/DDL 68:48)

(Ambient tribal EM)

Non mais quel titre enchanteur! Et contrairement à ce titre, qui peut être interprété par différentes visions, la musique de THE LOST SEASONS OF AMORPHIA est tout, sauf amorphe. Pour Forrest Fang, les 69 minutes de ce nouvel album proposent des ambiances modulées par les différents niveaux d'intensité qui les animent, dépeignant ces longs moments, ces saisons perdues dans les derniers bouleversements planétaires. Et la musique en respire tous ces contrastes avec des phases atmosphériques qui sont propice à la méditation, même dans ces phases agitées de soubresauts stationnaires. Le musicien sino-américain étend l'arsenal de son savoir-faire avec des textures et des couches de percussions à mains et d'instruments à cordes orientales dont les battements et les pincements scintillent de mille reflets soniques dans les lourdeurs apathiques des nappes de synthé aux lentes réverbérations bourdonnantes. Énigmatique, sombre et lyrique, il y a de l'émotion au pouce-carré dans ce THE LOST SEASONS OF AMORPHIA.

Titre évolutif riche qui flirte avec les 22 minutes, The Isle of Welcome a été composé à l'automne 2021, à l'occasion de la Thanksgiving, dans le cadre de la célèbre émission radiophonique Star's End de Chuck van Zyl. Son ouverture est tissée de nappes orchestrales qui flottent et dérivent avec des fluctuations émotives. La texture est semi granuleuse avec des effets de voix à peine audibles, tout comme le piano qui émiette ses songes dans une ambiance assez mélancolique. L'ouverture glisse jusqu'à rencontrer une fusion du piano et d'une cithare asiatique une 40taine de secondes après la 3ième minute. Les notes se suivent dans un modèle d'alternance, créant une cascade dont l'enchainement façonne une structure de rythme ambiant. L'instrument à cordes fait aussi dériver des arcs de mélodies chinoises, alors que les orchestrations tissent une vision de passion refoulée et de mélancolie assumée avec de tendres larmoiements d'un violon nostalgique dans l'arrière-fond de cette cascade cadencée. Une 3ième mutation de The Isle of Welcome survient un peu après la 10ième minute, offrant un passage atmosphérique lié à de tendres gémissements orchestraux sur des ondes réverbérantes d'un synthé qui remplit le décor avec une vision sibylline. Son irradiation bourdonnante sert de lit à un duel entre gongs et percussions gamelans dont les éclats tissent un festin de scintillements sous les sourdes morsures d'une nappe de basse. Encore ici, le rythme est méditatif. Il se transforme subtilement dans un passage trouble qui se densifie avec un amoncellement de nappes de synthé dont la texture ténébreuse fini par envelopper une structure de tintements et/ou d'accords percussifs, figeant entre nos oreilles et pour le plaisir de nos neurones le trot d'une distante et fascinante séquence de rythme ambiant. Parlant trot, c'est de cette façon que Throwing Salt amorce une délicate berceuse improbable. Les percussions, qui sonnent comme des arpèges opalins, finissent par alourdir son pas hypnotique pour se transformer en une lente et assez lourde ascension sous un amoncellent de nappes et d'ondes de synthé. Leurs textures, toujours sombres, donnent l'impression de vouloir noyer cette cadence qui erre entre une vision circulaire et ascendante. Mais peu importe, la musique, et ses harmonies obsédantes, scintille de mille brillants soniques avec ce mélange de percussions gamelans et autres accords à cordes dans un tourbillon de sons magnétisant qui tourne paresseusement afin d'on puisse admirer les nombreux contrastes de ses tonalités.

Plus fluide, From Post to Palm offre une aussi belle texture de mélodie qui carillonne sur un rythme tribal sino-amérindien. Les orchestrations flottent comme des voiles de soie et le violon chinois y est délectable dans ce très beau titre enivrant et mélodieux. De plus, Dave Newhouse, que nous avons entendu sur Scenes From a Ghost Train, y joue la flûte. Quels sont les instruments qui composent le dynamisme stationnaire de Inlets? À l'encontre de Throwing Salt, la structure repose sur un ensemble d'instruments à cordes vivement pincées et dont les tonalités de prismes dansants tourbillonnent dans un débit à la fois vif mais stationnaire. Plus le titre progresse et plus on entend une texture de percussions moirées occupée son background. J'imagine une fascinante chorégraphie d'ombres chinoises sur ce titre qui pourrait aisément faire virevolter une danseuse- acrobate du Cirque du Soleil. Beau et saisissant! Avec son immense ombre de particules irisées et iodées qui scintillent en suspension, A Shadow on the Shore porte admirablement le sens de son titre. Cette longue masse linéaire de sons exploite une texture assourdissante, on dirait des dizaines de voix emmurées dans le néant, qui mugit comme si elle était poussée par des tentacules de tornades remplies de grains de sable. C'est lourd et ténébreux avec un maillage de divers éléments percussifs (gongs, gamelans et autres) dont les tintements pétillent sous de sombres axes de drones caustiques. Bien que les vents mugissent avec force dans Distant Figure, la musique est légèrement moins sombre avec des accords de piano qui se fondent dans des échantillonnages de la nature, j'entends comme un ruisseau coulé. Un court et beau moment d'ambiances méditatives avant que nos oreilles se réveillent au fabuleux Urchins. Un premier tintement tisse une ligne de reflets scintillants, ouvrant la porte à un mouvement ondulant et ascendant qu’un séquenceur forge en mode Berlin School ambiant. Des accords de claviers, sobrement vêtus, pétillent en parallèle au rythme, créant deux structures adjacentes où le rythme et sa mélodie fusionnent dans une agréable texture méditative. Son enveloppe est tissée dans cette brume d'orchestrations cosmiques qui avance de plus en plus vers nos oreilles, éloignant tranquillement cette séquence de rythme qui termine un des très beaux albums de Forrest Fang.

Sylvain Lupari (30/11/22) ****½*

Disponible au Projekt Bandcamp

(NB : Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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