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  • Writer's pictureSylvain Lupari

Parallel Worlds Applied Maths (2023) (FR)

Un trésor qui fait avancer les dimensions de la MÉ réalisée à partir des synthés modulaires

1 Machinism 6:16

2 Shimmering Waters 5:14

3 Resonance 7:18

4 Virtual Carrier 6:28

5 Applied Maths 6:45

6 Scanned Perception 7:25

7 Tension 5:54

8 Daydreaming 7:44

(DDL 53:04)

(Progressive modular EM Berlin School)

Entendre des tessons de bouteilles vides grelotter et parler comme une personne gelée par le froid s'exprimer dans un débit d'élocution véloce et saccadé, moi ça me parle! Bakis Sirros est vraiment à l'aise dans son univers parallèle à notre conception de l'art de la musique électronique (MÉ). Il est non seulement à l'aise, il en est le maître. Et il arrive un temps où les mots manquent à mon lexique afin de décrire cet univers où les sons font la loi. APPLIED MATHS est un album puissant. Dans des panoramas plus rythmiques qu'atmosphériques, Parallel Worlds met de la lourdeur au service de son modulaire pour flirter avec les dimensions de Arc, dans la structure et non le son, et de Tangerine Dream dans un album dominé par des rythmes créatifs qui étonnent autant que séduisent dans des textures d'une musique d'ambiances âcre et ténébreuse, unique à son esthétisme musical. Utilisant à merveille les limites exponentielles des synthés modulaires, le musicien-synthésiste Grec tisse une autre de ses toiles de musique d'ambiances surréalistes. Notre imagination surfe entre les limites d'un sordide univers souterrain et celui de notre monde qui est envahit par une horde de spectres et de créatures de la nuit dans des décombres sonores aussi sombres que ce bleu métal noirci de l'hexalogie Underworld. Et je l'écris d'entrée de jeu, voilà un véritable chef-d'œuvre signé Bakis Sirros!

Une onde venant de loin progresse en deux tons; une particule de voix poussiéreuse et une masse de réverbérations. Machinism ne perd pas de temps pour nous renverser. Son rythme lourd et lent résonne entre nos tympans, un peu comme des effets de percussions caoutchouteuses qui sont martelées par des gnomes. On entend même leurs frénésies ricanées à travers ces cliquetis quasiment humain qui sépare les furieux battements. L'ambiance est pour le moins suffocante avec cette fusion de basses séquences résonnantes et ces percussions aussi collantes que des ventouses sur nos oreilles. Le rythme bat autant qu'il vibre alors que le synthé multiplie des lignes de mélodies opalées qui ont une texture de cornemuse réinventée. Ces bouts de mélodies planent avec un léger effet de bourdonnement radioactif dans leurs airs sur les résonnances vibratoires d'un rythme démoniaque auréolé d'une texture industrielle noire. Et Machinism n'est pas le seul titre à avoir cette fureur dans APPLIED MATHS. Virtual Carrier propose un percutant rythme tribal tambouriné par un peuple vivant dans les abysses. Des éléments percussifs sculptés dans des os de chaman ornent ce furieux rythme aussi percutant que les danses des tambours aborigènes de Byron Metcalf. Le synthé y est aussi tranchant avec des lignes de mélodies froides et tristes, sifflées par des ectoplasmes aux cordes vocales nasillardes. Et que penser du bouillant et très spasmodique Scanned Perception! Un titre visiblement inspiré de Tangerine Dream et qui aurait trouver sa place dans une version parallèle à l'album Thief. Je m'égare! Revenons à un ordre plus chronologique. Le synthé dans Shimmering Waters est tout simplement divin. Jumelé à de belles orchestrations, il propose des lignes de mélodies réverbérantes, on dirait un croisement entre un orgue et une harmonica, qui flottent et errent sur une structure de rythme perturbé par des secousses occasionnelles. Si le rythme est moins puissant, il est par contre plus fluide avec une structure qui trace des patterns zigzagants. Des cliquetis et autres tonalités électroniques s'y collent, alors que les séquences qui le forgent bondissent un peu partout dans une fascinante cohésion rythmique. Elles ont cette texture à la fois organique et élastique, bondissant avec un effet résonnant qui va de pair avec les ambiances lourdes et surtout très grises remplies d'ondes de réverbérations glauques.

Titre ambiant ténébreux, Resonance fait entendre une immense toile de drones qui volète au ralenti, comme des fantômes poussés par de lentes ondes mugissantes. Il y a une part des ténèbres, comme son contraire avec des filaments plus translucides qui sifflent discrètement des mélodies aériennes dans cette intense masse de réverbérations flottantes. La pièce-titre propose des séries de battements statiques dont les flux s'entrechoquent dans une boule électrostatique trop petite. Ces heurts créent un léger effet d'écho, déliant un effet spasmodique qui résonne sur une onde de bourdonnements qui vibrionne en arrière-plan. Des tintements en verre se détachent de ses pulsations, de même que de petits filaments bleutés qui y pépient. L'éclat de ces tintements agit comme des prismes éphémères, et leurs cabrioles lumineuses répond à cet écho lugubre qui est noyé dans un panorama sonore noir comme du charbon miroitant de scintillants effets bleutés. Au début, je me disais que c'étaient des morceaux de vitre qui grelotaient, mais j'ai vite changé d'idée en entendant le colossale Tension! Entre les deux, il y a le puissant Scanned Perception et ses lents élans pulsatoires qui convergent en une odieuse danse spasmodique. Les ondes du synthé ont toujours cette texture musicale agonisante et tissent un filet de mélodie évasive chantée de façon nasale. Elle y flotte constamment, jouant même sur la modulation de ses émotions et donnant ainsi une texture plus poétique aux mouvements saccadés d'une danse cabalistique. Évidement, il y a ce Scanned Perception, Machinism et Virtual Carrier comme principaux moteurs rythmiques de APPLIED MATHS, mais Tension se démarque par ce rythme pulsatoire vif où grelottent des tessons de bouteilles vides sur un douillet lit d'orchestrations sibyllines. Je dis des tessons de bouteilles, mais ça pourrait être aussi bien un perroquet en verre, tiens un pic-bois tant qu'à y être, qui tente de parler, ou de picorer un pic de glace, à une température de -30 degrés Celsius. Ça donne un débit d'élocution rapide et saccadé sur une structure spasmodique un peu moins sauvage que celle de Scanned Perception. Daydreaming nous amène à un autre niveau. Celui d'une ballade improbable dans un univers ou le côté sordide des ambiances et dompté par la très belle mélodie symphonique du synthé. Le rythme est doux, mais pas dénudé de cette texture de noirceur organique à l'enduit caoutchouteux qui fait bouger les 6 autres titres de APPLIED MATHS, Resonance étant un titre ambiant, avec un maillage des diverses tonalités et effets des séquences qui ornent les dimensions rythmiques de cet album. C'est un titre qui me fait beaucoup penser aux ambiances et à la musique de John Carpenter.

En tout, j'ai compté 5 titres qui ont eu un effet d'accoutumance progressive sur mes oreilles dans ce APPLIED MATHS de Parallel Worlds. C'est beaucoup pour un album de 8 titres! Et Ils trônent dans ma section meilleurs titres de MÉ en 2023. Ça en dit beaucoup sur les profondeurs de ce nouvel album de Bakis Siros qui, selon mes goûts, est aussi dominant que Ian Boddy et feu Mark Shreeve dans l'art de combiner les ambiances ténébreuses, les rythmes lourds et entraînants ainsi que les mélodies vampiriques qui nous sucent les tympans. APPLIED MATHS est un véritable petit chef-d’œuvre et c'est juste dommage qu'il passe à ce point sous les radars. En espérant que cette chronique change la donne. Chapeau Bakis pour ce véritable trésor qui fait avancer les dimensions de la MÉ dite progressive et expérimentale réalisée à partir des synthés modulaires.

Sylvain Lupari (05/09/23) *****

Disponible au Móatún 7 Music Bandcamp

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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