“ENIGMAS (Restored) est un très bel album d'une MÉ vintage d'une époque qui est encore pleine de secrets à être entendus”
1 Enigmas 28:16
2 Pompei 25:54
(CD 54:10) (Berlin School)
Voilà le tout premier enregistrement de Pillion, ce groupe Belge qui a sans doute mis le nom de Walter Christian Rothe sur la carte de la MÉ contemporaine. Et comme c'est de coutume chez Groove depuis quelques années, le label de Ron Boots plonge dans les souvenirs d'une époque, mais surtout d'un endroit, où seulement un public Belge, adepte de ce mouvement de musique cosmique électronique, avait la chance d'entendre et de voir. ENIGMAS (Restored) est le fruit d'une très belle restauration sonore d'un concert donné par le duo Guy Drieghe et Walter Christian Rothe à Sint-Kwintens-Lennik, Belgique, en 1980. Un 33rpm avait sorti à l'époque avec une sonore assez limitée. Et j'ai entendu une version de cet enregistrement sur YouTube et la différence est notable avec cette version restaurée. Mais ce n'est pas juste cet aspect qui rend cet album intéressant! C'est le son des années 70 qui s'adapte tranquillement vers celui des années 80. ENIGMAS (Restored) propose 2 longs titres qui nous amène au tournant de cette décennie où les synthétiseurs et séquenceurs du duo Belge sonnent encore avec autant de charmes presque 40 ans plus tard.
Des wooshh que l'on martyrise, des cognements métalliques et ces chants de chauve-souris géantes atteint de démence nourrissent la procession luciférienne de Enigmas. Les empreintes de Klaus Schulze dans le décor théâtrale de Walter Christian Rothe dominent cette ouverture qui me fait penser à du Jean-Pierre Thanès, surtout lorsque cette marche dévie vers une nappe d'orgue sibylline, comme dans une douce soirée de brunante par un soir étouffant d'Août sous les rayons descendants d'un soleil carbonisant. Ces délicats coussins flottants créent une ambiance plus intrigante que solennelle qui dure pour quelques minutes d'un calme désarmant. On entend les vols des cigognes effleurées l'eau qui donnent un subtil signal à des cliquetis autour des 6 minutes, changeant le cours de Enigmas. Mes oreilles perçoivent ce ruisseau d'arpèges qui s'éveille sous les brises de ces nappes anesthésiantes. Doucement, la portion rythmique annonce son éveil avec l'apparition d'une ombre de basse et des wiishh interstellaires. Les séquences miroitent avec plus de ferveur, mélangeant limpidité et obscurité de ce ballet statique bafoué par de lourdes brises fantomatiques. Ce rythme est stationnaire et est plus intéressant pour les oreilles qu'entraînant pour les pieds, même que parfois sa forme spasmodique peut faire danser nos doigts sur les appui- bras de notre fauteuil par ses belles nuances dans les agitations des séquenceurs. Les synthés profitent de cette base pour multiplier des solos qui se tordent de douleurs tonales et des jets de wooshh, wiishh et waashh ténébreux dans un décor qui tangue entre le cosmos et les chambres souterraines des druides de l'ère médiévale. Le coup de foudre est cette ambiance très analogue qui est superbement restaurée et qui nous fait plonger dans les corridors de Earthstar et de Adelbert Von Deyen, surtout dans une finale ambiante où un synthé y va d'un dernier chant digne de ces années où la créativité de la Belgique traversait au compte-goutte l'Atlantique pour se rendre jusqu'en Amérique du Nord. Mais grâce à Groove, nos oreilles peuvent maintenant se délecter de ce nectar sonore.
Pompei est un titre d'ambiances psychotroniques, comme dans les années analogues de Neuronium. Le son fait très vintage avec des nappes de synthé et d'orgues qui flottent et s'enlacent dans un fascinant ballet fœtal. Des filaments s'échappent pour rôder comme ces flâneries de Robert Schroeder sifflotées dans le cosmos. Les nappes de synthé qui y dérivent décrivent ces cercles manquant de finition que l'on entend dans les ambiances chthoniennes de Tangerine Dream, circa Phaedra-Ricochet. Ces nappes dérivent lentement dans des parfums d'ambiances qui flirtent entre du Klaus Schulze, ses premières années, et un peu de Neuronium. Une sensation qui augmentera au fur et à mesure que Pompei avance vers ses 26 minutes. Les brises anesthésiantes du synthé, et possiblement d'une orgue, divaguent dans ces senteurs d'éther. Et les sourdes élan de basse modulation restent maitrisées par un magma sonore mouvant d'où s'évaporent des vagues synthétisées. Elles roulent, en fait elles flottent dans un corridor cosmique près des territoires de Michel Huygen et très certainement de Walter Christian Rothe dont la finale de Pompei porte son sceau macabre et joliment plus intense. Nous étions dans le Dark Ambient de ce qu'il y a de plus pur avec ce Pompei.
ENIGMAS (Restored) est une autre excellente initiative de Groove qui semble avoir déterré une mine de pépites sonores d'une incroyable richesse historique. Ce sont deux visages ici que nous avons d'une époque où les musiciens usaient d'ingéniosité afin d'amener nos oreilles vers des territoires inconnues…Ah oui! C'est un très bel album d'une époque qui, je crois, est encore pleine de secrets à être entendus.
Sylvain Lupari (30/06/19) *****
Disponible chez Groove
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