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Writer's pictureSylvain Lupari

SEQUENTIA LEGENDA: Resonances (2022) (FR)

Un très bel album où le Berlin School déambule dans des territoires imbibés d'éther

1 Enter into Resonances 29:22

2 Infinite Resonance 22:50

3 Heavenly Resonance 17:48

(CD/DDL 60:00)

(Berlin School)

L'art de se réinventer! On ne peut dire que Sequentia Legenda le tâtonne sans pour autant en investir ses orientations musicales. Chevauchant toujours les plaines lunaires de Klaus Schulze, le musicien Français modifie quelque peu le timbre de ses réflexions musicales en utilisant la fréquence 432 Hz, soit celle de la nature et de l'univers, afin de nous amener là où lui seul sait si bien le faire; dans le douillet inconfort de notre intérieur. Dans cette symphonie de musique électronique (MÉ) atmosphérique où les timbres résonnent de milles artifices sonores, RESONANCES multiplie 3 visions minimalistes sur des rythmes parallèles où les séquences titubent et zigzaguent avec une vision mélodique toujours liée à leurs évolutions. Fidèle à sa signature musicale, Laurent Schieber propose 3 longues structures dont les similitudes se confondent dès que les barrières atmosphériques sont franchies. Un très bel album où le Berlin School erre dans des territoires imbibés d'éther.

Enter into Resonances nous met en appétit avec un mouvement sautillant qui est habile dans son slalom rythmique. Une belle ombre de basse étend ses nappes bourdonnantes, créant le lien idéal entre la tonalité limpide du séquenceur et cette apparence sombre remplie de bruine astrale. Ses élans sourds sont la source d'une modulation divinatoire pour ceux qui tentent de s'endormir auprès leurs tourments. Les pointes acérées des tonalités du séquenceur voltigent tel des essaims de lucioles ardentes. Elles nous piquent et traversent notre carapace d'insensibilité, à tout le moins la mienne, afin de nous transporter dans un univers cérébral où les étoiles bercent notre état aphasique qui flotte dans une Voie Lactée tout près de notre imagination. Minimaliste, le mouvement titube de plus en plus sous un linceul atmosphérique qui étend toujours un peu plus sa densité endormitoire. Cette première ossature rythmique de RESONANCES étend ses spasmes de sérénité sur une distance de plus ou moins 10 minutes avant qu'une masse de tonalités atmosphériques ne s'en empare pour en étouffer sa vitalité alors que Enter into Resonances traverse la barrière astrale des 15 minutes. Un puissant jet de wiisshh et de woosshh, suivi par des couches de fredonnements absents, annihilent cette présence rythmique qui reprend vie quelques secondes plus loin par des reflets scintillants qui semblent égarés dans cette masse de résonnances granulées. Un combat atmosphérique entre le séquenceur et les vents soufflés avec force alimente les 10 dernières minutes de Enter into Resonances qui souffle le chaud et le froid, tant au niveau de ses ambiances que de son rythme prémonitoire. Ainsi est Enter into Resonances, ainsi sont les deux prochains titres qui habitent les 60 minutes de ce dernier opus assez céleste de Sequentia Legenda.

Infinite Resonance débute aussi avec un mouvement zigzagant du séquenceur. La structure est minimaliste et s'échelonne sur plus de 10 minutes avec des touches sauteuses qui tombent sèchement. La façon abrupte dont chaque touche tombe sur le sol rythmique structure un effet de saccade coulée en une série sur une structure rythmique tout de même assez fluide. Une ombre du synthé commence à obscurcir cette frénétique séquence de rythme statique autour de la 3ième minute. Tranquillement, ce bon Berlin School articulé sur des séquences vives et lumineuses voit son plafond rythmique se remplir de cette brume chtonienne qui amène graduellement Infinite Resonance dans une longue hibernation atmosphérique à la porte de la 10ième minute. Le séquenceur évapore sa vision rythmique sous une dense masse sonore où nos oreilles perçoivent de lointains et sourds battements sous une épaisse couche d'orgue qui peu à peu dissipe son emprise anesthésiante. Nous entrons dans une courte phase quasiment silencieuse afin de permettre au titre d'entreprendre une mutation qui débouche vers une phase gazeuse où des nappes de voix absentes fredonnent dans une ambiance sibylline. Des battements sans direction rythmique persistent à se faire entendre sous cette couche de voix où des nappes ondoyantes dérivent aussi sans direction atmosphérique. Dans les faits, Infinite Resonance se tiraille avec plus de véhémence que dans le précédent titre entre son embryon rythmique, sans cesse croissant, et sa masse de réverbérations qui accentuera la profondeur d'un titre dont le dénouement passe par une intense envolée atmosphérique dans son dernier tiers. Sequentia Legenda exploite ici au maximum ses influences de Klaus Schulze dans sa période pré-Mirage, flirtant même avec l'épisode Blackdance. Un mouvement ascendant et répétitif du séquenceur inaugure la danse éthérée de Heavenly Resonance. Maquillé de gazouillis synthétisé, le rythme épouse un pattern zigzagant avec plus de grâce que celui de Infinite Resonance, même si les séquences tombent aussi rudement. Le style fait très Berlin School de l'ère Klaus Schulze analogue avec une brume anesthésiante qui recouvre graduellement ce rythme qui peu à peu se découd pour faire dérouler une ligne de ruades spasmodiques. Cette tournure tout à fait inattendue est nouvelle dans le registre du musicien-synthésiste Français qui aime privilégier des structures aussi uniformes que chloroformiques. Ici, Heavenly Resonance se transforme en une forme de rock électronique cosmique qui déborde au-delà de sa 9ième minute. C'est dans une vision plus contemporaine que le titre évolue loin du cadre usuel de Sequentia Legenda avec une permutation des rôles qui nous amène dans une finale atmosphérique encore plus intense que celle de Infinite Resonance.

Manipulant avec son usuel doigté des structures qui se ressemblent sans pour autant se copier, Sequentia Legenda est égal à lui-même sur son dernier album, exception faite des derniers instants du surprenant Heavenly Resonance. Et ce même en réorientant sa musique vers un diapason sonore aussi près du Cosmos que de la surface d'une Terre toujours influencée par les mouvements lunaires de sa musique. RESONANCES propose 60 minutes d'une MÉ dont l'intensité atmosphérique découd des rythmes minimalistes avec la grâce d'un chirurgien des sonorités astrales.

Sylvain Lupari (02/06/22) ****½*

Disponible au Sequentia Legenda Bandcamp

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