“Avec une gang de patenteux qui aiment explorer les limites des synthés modulaires, cet album offre une superbe vision sur les reflets de la beauté”
1 Setting Sun (Batchas) 7:41
2 Eternal Terrarium (Lightbath) 6:39
3 Dream Portal (Panic Girl) 5:19
4 Astral Plane (Andrew Huang) 5:17
5 Blackstone Edge (Stefan Bojczuk) 6:31
6 Different Paces (Ebcidic) 6:32
7 Medical Elements (Steve Davis) 7:41
8 ex Machina (Mattia Cupelli) 7:43
9 Myrdet av Gud (Tim Held) 9:12
(CD/DDL 62:39) (V.F.)
(Art for Ears)
Des larmes de synthé coulent avec un effet de coupures nettes, donnant une illusion de chants qui sont accompagnés par des effets percussifs sonnant majoritairement avec une texture de bois. Imaginez deux escrimeurs se pointant le fleuret autour des oreilles dans de gracieux mouvements ambiants où les brefs effets réverbérants sont le résultats des touches réalisés par les escrimeurs, et vous avez l'ensemble de Setting Sun par Batchas. Je vous le dis d'emblée, TONE SCIENCE MODULE No.4 FORM AND FUNCTION sera l'album le plus inaccessible de cette série qui se concentre sur l'art du modulaire. Il n'y a pas de grands noms sur cet album. Seulement un paquet de curieux, de patenteux qui aiment explorer les limites (y-en a-t'il?) des synthés modulaires. Et comme c'est l'habitude chez DiN, et avec Ian Boddy qui a masterisé le tout, cet album possède ses perles. En contrepartie, les rythmes ne sont pas légions. Il y a beaucoup d'espace ambiant et ils se remplissent de sons; leurs formes et leurs couleurs tonales. Si Setting Sun est paisible et ambiant, il frappe son nœud de distorsions où nos oreilles cherchent à s'évader de notre casque d'écoute autour de la 5ième minute. Nous sommes dans les territoires interdits aux rythmes soutenus et aux mélodies souveraines avec une poignée d'artisans qui nous font découvrir la MÉ sous un autre aspect. Eternal Terrarium de Lightbath est assez intéressant et plus musical que Setting Sun. La musique est concentrée sur une texture de rythme ambiant animée par un séquenceur et autres effets percussifs, empruntés aux xylophones des Caraïbes, qui finissent par tisser une impressionnante mélodie tout à fait inattendue. Ça fait du bien après le titre de Batchas. Dream Portal de Panic Girl emprunte cette voie de Lightbath avec une fine texture de percussions dans une vision plus musicale, genre berceuse pour insomniaques agressifs. Beau et créatif! Astral Plane par Andrew Huang est un titre d'ambiances assez magnétisant. Ça débute de façon sordide avec des tonalités qui pétillent et qui allongent leurs formes pour instaurer un léger mouvement de ruisselet musical. Ce bassin de tonalités limpides grouillent comme un tapis de vers sonores qui continue sa descente en collectant toutes formes de sons afin de nourrir sa masse grouillante. Ça part de rien, ça devient intense et ça se vide comme ça avait commencé!
Après une douce introduction assez méditative, Stefan Bojczuk change de ton en donnant la réplique à ses doux arpèges flottants par des accords gras, sombres et agressif, créant ainsi de brefs échanges acrimonieux entre les deux existences. Mais entre sa persistante douceur soporifique et les brèves turbulences soniques, Blackstone Edge réussit à créer un univers cinématographique doté d'une vision plus contemporaine. J'aime cette ouverture de machinerie qui respire avec plus d'insistance dans l'ouverture de Different Paces. Stefan Bojczuk, du duo Protogonos qui a sorti l'album Strange Géographie sur DiN en 1999 (DiN 3), est très habile dans l'art d'insuffler différentes cadences derrière les gros murmures de machinerie. Il y a une mélodie évasive, sculptée dans une tonalité de riffs de guitare, sur ce Different Paces qui tisse son ver-d'oreille sans avertissement. Un titre ingénieux qui pourrait trouver sa place dans un film d'horreur. J'adore ce down-tempo industriel que Steve Davis déconstruit, reconstruit et stabilise sur un rythme soutenu qui avance comme un train trop chargé. Nous sommes dans le domaine du vacarme rythmique avec un léger fil mélodique que Steve Davis ajoute vers la fin. La finale de TONE SCIENCE MODULE No.4 FORM AND FUNCTION est très arrosée avec ce titre et le fougueux ex Machina de Mattia Cupelli. C'est lourd et ambiant, comme un mélange de Redshift et ['ramp], dans un contexte de feu industriel dont les tisons explosent ici et là, créant une masse de bruits blancs et de grésillement qui pétillent et grichent sur cette masse rampant pour sa survie. Il y a une mélodie vampirique qui égoutte sa vie dans un autre tintamarre rythmique industriel où les sirènes hurlent au-dessus de cette lente combustion rythmique. Tranquillement, ex Machina se réfugie dans un coin de l'usine pour continuer son auto-immolation. Different Paces et ex Machina sont deux titres durs et intenses qui arrivent à un point de saturation de ce 4ième volet de Tone Science Module. Après la crise de cette lave dégoulinante, Tim Held termine TONE SCIENCE MODULE No.4 FORM AND FUNCTION avec une structure semi agressive qui évolue entre les crises de tintamarres et des passages assez méditatifs dans Myrdet av Gud dont l'évolution nous amène dans un coin de paradis sur Terre. Comme dans cet album qui offre une superbe vision sur les reflets pervers de la beauté. A découvrir absolument, afin de tempérer vos peurs face à l'art des synthés modulaires ...
Sylvain Lupari (11/09/20) ****½*
Disponible chez DiN Records
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