“Une pure merveille à dévorer avec un casque d'écoute”
1 The Interior Rhythms 1 20:01
2 The Interior Rhythms 2 20:01
3 The Interior Rhythms 3 20:01
4 The Interior Rhythms 4 20:01
(DDL 80:04)
(Progressive EM, PsyScapes)
Parfois, il m'arrive de dire qu'il faut être patient, savoir persister pour se faire ensorceler par une musique électronique un peu plus expérimentale. Mais pas avec ce nouvel album d'un nouveau duo à sortir des matrices de Cyclical Dreams. THE INTERIOR RHYTHMS est une réflexion sur la création d'un paysage sonore impressionniste à partir d'une randonnée à travers une forêt tropicale. L'environnement est celui du monde naturel, organique et des gradations les plus subtiles de sonorités et de couleurs. Jusqu'ici ça va! Sauf que les rythmes intérieurs sont créés par la soustraction de sons lors du mixage. Ce qui vient à dire que le duo Paul Ellis, qui n'a pas besoin de présentation, et Daryl Groetsch, un artiste qui lui ressemble beaucoup et qui est derrière Pulse Emitter, ont su créer des rythmes en soustrayant des sons, alors que techniquement, c'est tout le contraire. Et nous allons entendre sur THE INTERIOR RHYTHMS ce processus créatif qui est plus facile à apprivoiser que son processus de création laisse sous-entendre.
C'est derrière les ruisseaux que se cache The Interior Rhythms 1. On entend des gouttes d'eau prendre la forme de perles et tinter entre différents vents et autres éléments de la flore d'une nature peinte par des sons. Des drones et des bruits électroniques analogues survolent ces arbres géants où picorent des pic-bois. De lentes oscillations tentent de former un premier paysage sonore de cette faune psychédélique et de ses étranges habitants créateurs de cliquetis. L'idée est plutôt absorbée par des pads de synthé enrhumés qui me rappellent la portion électronique de Stomy Yamasta dans Go Too. Les cymbales se mettent à pétiller autour de la 6ième minute. Le rythme toujours absent, The Interior Rhythms 1 poursuit son odyssée tonale sous ces drones survolant les ambiances par intermittence alors que des effets de synthé rappellent la lente éclosion de Tangent, second titre de Poland cet album mythique de Tangerine Dream. D'ailleurs, attendez-vous à entendre différents parfums musicaux du Dream tout le long du parcours de THE INTERIOR RHYTHMS. Un rythme ambiant construit autour d'éléments atmosphériques, d'impulsions retenues et de cognements diverses prend racine. Il est en arrière-scène où l'on entend discrètement ses effets de succion. Un étrange meuglement iconoclaste survient quelques secondes (4) avant la 8ième minute. C'est à partir de cet instant que le rythme de The Interior Rhythms 1 se met en chantier. Saccadé et moulé dans une forme de transe caoutchouteuse, ces riffs de rythme augment la pression sur ces accords vaporeux sonnant comme dans Go Too. L’effet d'écho circulaire lui donne une apparence shamanique, jusqu'à ce qu'il perde un accord pour devenir plus soutenu dans cette masse de sons qui amplifie sa tonalité, plus musicale et organique que rythmique. Ainsi est The Interior Rhythms 1et ainsi sont les 3 autres structures et finalement l'album au complet.
Des vents, des ondes et des ombres constituent le dense paysage ambiant de The Interior Rhythms 2. Plus angoissante, cette masse de sons et d'effets de réverbérations élague ces bourdonnements pour revenir avec une texture quoi chevrote de l'intérieur. Cette membrane pulsatrice secoue ses spasmes dans des nuages de cliquetis, structurant un rythme sans percussions, ni séquences percussives qui convulse sous une dense collection d'éléments atmosphériques. Ce fascinant rythme s'étire sur 6 minutes avant que le titre ne redevienne qu'une collection de panoramas sonores que l'on écoute l'oreille intéressée, un peu comme des clichés de photos. The Interior Rhythms 3 propose de go sa structure de rythme qui s'appuie sur des cognements et de son écho sous un ciel dardé de longilignes et difformes filaments synthétisés incandescents. C'est l'écho qui mène le bal, alors que tout autour la faune tonale conspire pour atténuer sa présence. Sauf qu'une ligne de basse-pulsations s'invite pour étirer notre plaisir de faire un parallèle entre ici et les ambiances de Force Majeure. Plaisir que l'on retrouve aussi sur The Interior Rhythms 4qui propose une structure de va-et vient, de chachacha happé par des nerveux mouvements de à-coups sur cette structure qui imite le rythme d'un train. Un train parfois statique et/ou poussé par de l'huile de bras jusqu'à ce qu'il embraye autour de la 9ième minute, d'où les ressemblances avec Force Majeure au niveau des effets percussifs. Roulant à contresens des 3 autres structures de l'album, The Interior Rhythms 4 ralenti sa cadence pour pénétrer dans cette jungle imprenable et de sa collection d'éléments organiques qui se fondent dans la distillerie des effets électroniques digne d'une pure merveille à dévorer avec un casque d'écoute.
Pas nécessairement facile, mais très beau, THE INTERIOR RHYTHMS est un album qui brise le mythe que la musique électronique progressive et un brin expérimentale demande beaucoup d'amour. Basée sur la perception que nous traversons une forêt boréale psychédélique, la musique est riche et créative en terme phénomènes sonores et de textures rythmiques qui, à défaut d'être entraînantes, sont tout simplement digne des attentes qu'on peut maintenant de Cyclical Dreams et de Paul Ellis qui est en grande forme,de même que son copain d'exploration Daryl Groetsch, sur THE INTERIOR RHYTHMS.
Sylvain Lupari (21/10/21) ****¼*
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
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