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  • Writer's pictureSylvain Lupari

Johan Agebjörn Subtracted Soundscapes (2023) (FR)

Il n'y a peut-être pas de rythme, mais maudit que la musique est belle

1 Four Hours to Karhumäki 5:27

2 Swimming Through the Blue Lagoon 5:07

3 Ambient Computer Dance 5:30

4 As I Passed the Vyartsilya Border Crossing 7:42

5 Sleep in my Arms 5:40

6 Dulciter Somni 5:00

7 Siberian Train Part II 7:51

8 Zero Gravitation 9:58

(DDL/CD 52:22)

(Ambient Cinematic)

Oh que j'avais hâte d'entendre un nouvel album du musicien Suédois! Artefact m'avait littéralement viré à l'envers avec sa vision de EDM/IDM cosmique. Auparavant, le très solide We Never Came to the White Sea avait aussi séduit mes tympans alors que mes oreilles s'habituaient tranquillement à son style Électronica. Donc, oui j'avais très hâte d'entendre SUBSTRACTED SOUNDSCAPES. Mais je ne m'attendais pas à ça. Ce dernier album de Johan Agebjörn n'est pas un album de musique électronique (MÉ) originale. C'est plutôt un genre de compilation de titres, auxquels il a enlevé toutes formes de rythmes, qu'il a pigé dans les 3 premiers albums qu'il a réalisé sur le label Spotted Peccary, ou sa division Lotuspike. On y trouve même un titre de l'album Disco Romance! Un album dont il a écrit la musique et qu'il a produit pour la chanteuse Italienne Sally Shapiro en 2006. Comme quoi, les rythmes entraînants ont toujours fait partie de l'ADN du musicien, compositeur et producteur de Gothenburg

Autant ici que dans l'album We Never Came to the White Sea, les délicats accords du piano électrique deFour Hours to Karhumäki tintent sur le tarmac de réverbérations. Son éclat fait une ombre de crystal à la mélodie principale du piano qui fait dériver sa nostalgie par boucles répétitives. D'autres accords tombent avec plus de lourdeur, donnant une dimension dramatique à la musique. Dimension amplifiée par les fredonnements absents d'une chorale angélique et par ces textures réverbérantes qui coulent maintenant par saccades. Au lieu d’embrasser le rythme qui se mettait à pulser vers les 70 secondes, cette version soustraite de Four Hours to Karhumäki poursuit une procession minimaliste tissée dans la nostalgie. Je pense à du Philip Glass ici. Je peux en dire autant de As I Passed the Vyartsilya Border Crossing, le second et dernier titre pigé dans cet album réalisé avec Mikael Ögren en 2017. Dans un panorama sombre avec des vents bourdonnants, la voix très éthérée de Anneli Andersson murmure encore ces halètements toujours plus ou moins suggestifs. Les presque 8 minutes du titre se déroulent dans une vision toujours minimaliste. L'ombre de la nappe de basse en arrière-scène est enveloppante et les souffles de la voix saccadée de la chanteuse nous porte à rêver, autant que ces harmonies soufflées par un synthé dont le timbre légèrement flûtée nous rappelle Tangerine Dream. Désossé ainsi, le titre respire les tonalités des premières années de Private Music. C'est très beau en passant! J'ai la même impression avec Swimming Through the Blue Lagoon, dont le clavier sonne comme du bon Patrick O'Hearn, et que les saccades des reflets de voix nous ramènent aux inspirations de As I Passed the Vyartsilya Border Crossing. La basse est très bonne et ses accords ajoutent une ombre de mélancolie à ce titre extrait de l'album The Mountain Lake, réalisé en 2011, et qui fait complètement peau neuve ici, sauf pour la mélodie. Un autre, et dernier extrait de cet album, est le long Zero Gravitation. Et là, la transformation est totale! Il n'y a plus de voix dans l'ouverture, et sans le rythme, la musique n'est plus la même. Certes, il y a toujours ces nappes de synthé tissées dans des orchestrations sombres et bourdonnantes. Elles sont plus puissantes, plus enveloppantes ici. Elles dérivent en signant de longs actes linéaires qui lui donnent cette texture d'austérité cosmique. Nous sommes dans les moments les plus atones du répertoire de Synergy, mais avec une essence de sensibilité qui accroche nos oreilles aux portes des immenses possibilités des rêves éveillés. La nappe de basse étend un délicat effet de réverbérations continues coulant par saccades ou se noyant dans des phases orchestrales plus intenses. C'est comme être dans une navette spatiale sans moteur qui dérive dans l'espace. Tantôt froide et distante, tantôt lumineuse et réconfortante, la musique nous transporte entre deux mondes. Tranquillement, des voix s'ajoutent. D'abord discrètes et coulant par de minces filets, elles deviennent plus enveloppantes et nettement plus séraphique dans la seconde partie de Zero Gravitation. Un excellent titre que Vangelis aurait pu écrire!

La version de Sleep in my Arms, c'est le titre tiré de l'album Disco Romance, nous plonge dans une musique de film noir. Un genre de polar à la L.A. Confidential ou encore Crime of Passion. La texture musicale est réverbérante avec des ombres lentes qui frissonnent sous les douces morsures d'un synthé dont les airs rêveurs et distants ont une vague tonalité de saxophone. On entend la voix de Sally Shapiro murmurer dans une dimension qui devient cinématographique. Les seuls battements s'excitent ici avec des pétillements statiques. Le synthé et la voix de Shapiro font la force de ce titre qui au finale fond aussi très bien dans une nuit à la recherche de sommeil. L'album Mossebo, que je n'ai jamais entendu en passant, est le mieux représenté avec 3 titres dans SUBSTRACTED SOUNDSCAPES. Sans doute le plus beau titre de cette compilation de paysages amputés, Ambient Computer Dance part le bal avec une version très différente et très atmosphérique-cosmique. Les nappes de synthé sont tissées dans un contraste des tonalités qui allient ténébreux et clair-obscures. La valse de ces nappes est très touchante et m'a procuré ma ration de chair-de-poule quotidienne. Quel beau titre où je pense à l'univers de Chronos de Michael Stearns, mais avec plus de sensibilité dans l'envolée des nappes de synthé endormitoires. Dulciter Somni met en relief la voix de Lisa Barra. Elle s'émiette par tranches de ahhh… qui se fondent dans une masse de réverbérations contrôlées. Pas trop bourdonnantes et ni trop saccadées. C'est tranquille avec des moments un peu plus intense au niveau des arrangements électroniques et des effets de voix supplémentaires greffées aux fredonnements de la chanteuse Suédoise. Le synthé imite le chant des étoiles sur ce titre avec de beaux reflets de radiance musicale. L'autre titre de Mossebo est le sombre et ténébreux Siberian Train Part II. Nous sommes dans le Dark Ambient ici avec quelques effets sonores qui donnent une dimension de terreur nocturne à la musique. Le roulement du train dans l'ouverture, seul élément qui fait tiquer les oreilles à la recherche de la tranquillité, n'est pas tout à fait étranger à cette sensation. Des filaments sonores plus translucides jouent sur la profondeur lyrique de cette ode aux ténèbres.

Il n'y a peut-être pas de rythme, mais maudit que la musique est belle dans l'univers édulcoré de SUBSTRACTED SOUNDSCAPES! Il n'y a pas une fausse note ici, ni un titre injustement dépouillé de sa matière rythmique. Le pari de Johan Agebjörn était audacieux et il l'a relevé avec panache. Tant que les nouvelles dimensions des 8 titres atteignent un niveau de beauté qui est parfois supérieur aux versions nourries de rythmes entrainants. Le mastering de Ben Cox est époustouflant dans cette production qui se veut un très bel album de méditation et de prélude pour trouver le chemin d'un dodo bienveillant.

Sylvain Lupari (15/08/23) ****½*

Disponible sur Spotted Peccary Music Bandcamp

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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