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  • Writer's pictureSylvain Lupari

KLAUS SCHULZE: Deus Arrakis (2022) (FR)

“Un merveilleux moment intime dont je ne peux me détacher…

1 Osiris (Parts 1-4) 18:28

2 Seth (Parts 1-7) 31:47

3 Der Hauch des Lebens (Parts 1-5) 27:08

SPV 246152 CD

(CD/LP/DDL 77:23)

(Ambient Berlin School)

Plusieurs pensaient que Klaus allait tiré sa révérence avec un album aussi moyen que Silhouettes. J'avais bien aimé cet album, mais il y manquait cruellement de cette fabuleuse essence Schulze qui pouvait nous faire voyager sur ses intemporelles vagues et boucles de synthé aussi répétitives que nuancées. Mais non! Klaus Schulze allait nous dire un vrai au revoir avec ce sublime album qu'est son œuvre posthume DEUS ARRAKIS. Posthume par la force des choses. Puisque ce dernier album du maître de la musique électronique (MÉ) allemande saumurait dans des délais inexplicables, et toujours inexpliqués, de sorte qu'il a finalement été mis en marché 9 semaines après le décès de Klaus le 26 avril dernier. La source d'inspiration de DEUS ARRAKIS provient d'une conversation entre Hans Zimmer, celui-là même qui a composé la musique du film Dune 2021, et Schulze à qui il demandait la permission d'utiliser les bases de Frank Herbert, un titre paru en 1978 sur le magnifique album X, pour la musique du film du cinéaste canadien Denis Villeneuve. Il n'en fallait pas plus pour que Klaus plonge dans l'univers Dune. Disons-le d'entrée de jeu, DEUS ARRAKIS n'a rien à voir avec l'album Dune de 1979. Le seul lien est la présence de Wolfgang Tiepold au violoncelle. C'est tout!

Osiris donne le ton à cet album dont la principale qualité est de restituer la tranquille prestance de Klaus Schulze aux claviers. Un bourdonnement d'une nappe de basse musicale marmonne sur un linceul de brume statique en son ouverture. Les nappes de synthé enveloppent déjà cette ouverture méditative avec leurs nuances émotives uniques à la vision du claviériste Berlinois. Une ligne d'arpèges séquencés se met à galoper frileusement, créant un rythme ambiant circulaire qui rappelle vaguement ceux du majestueux In Blue, autant en sons qu'en texture. La basse étend son emprise dormitoire sur ce rythme abstrait, augmentant la richesse musicale d'un titre qui ramène les amateurs de Schulze dans le giron des années 70 avec une texture atmosphérique douce et dépourvue d'éclats de percussions et d'orchestrations. Les orchestrations résident dans ces nappes qui font osciller la musique entre son léger tourment et sa profonde sérénité auquel Schulze greffe ses effets de pépiements électroniques qui épousent une ossature rythmique aussi évasive que silencieuse. L'intensité augmente d'un cran autour de la 11ième minute où le rythme prend une tangente nettement plus accentuée, déroulant son pouvoir de magnétisation en un long filament stroboscopique où le débit saccadé nous rappelle que le musicien décédé aimait bien infiltrer une base de transe méditative à sa musique. Aussi ambiante pouvait-elle être! Ainsi est fait le parcours de 18 minutes de Osiris qui roule comme une mer tranquille et éternelle entre des oreilles encore endolories par le deuil.

Guidé par une figure de cha-cha-cha abstrait, Seth est plus animé! Après une ouverture typique des œuvres dantesques de Schulze, les ondes de synthé s'accumulant comme des vestiges sonores des bandes THX, le rythme s'installe autour de la 30ième seconde dans la 4ième minute. Il sautille de façon légèrement spasmodique avec des accords de clavier séquencés qui bondissent en alternance dans une ligne de rythme brodée de tonalités contrastantes. Le paysage sonore flirte avec les immenses couloirs cosmiques plus ici que dans Orisis. Les nappes de voix sont discrètes et efficaces. Jumelées aux riffs de clavier, aux délicates orchestrations lunaires et aux séquences bondissantes, elles enrobent cette section de Seth d'une aura maussade qui est quasiment ténébreuse. Le violoncelle de Wolfgang Tiepold fait une première coupure un peu avant la 12ième minute. Son solo larmoyant est enrobé d'une couche de grésillement et de bruits cosmiques, donnant un aspect plus sibyllin à cet émouvant passage de Seth. Le rythme, modifié, renaît 4 minutes plus loin. Flanqué du violoncelle, il étend ses bonds alternants en une fine texture de saccades ininterrompues qui frissonne comme des pieds de Bambi vierge sur un étang gelé. Il y a une fascinante poésie entre Tiepold et Schulze ici qui se traduit en un de ces rythmes hypnotisant et pourtant sans déversement du répertoire du génie berlinois. Le violoncelle domine ces instants avec une grâce musicale qui rend hommage à la délicatesse de Klaus Schulze. Le rythme se tait vers la 23ième minute, laissant Seth errer dans les corridors d'une musique d'ambiance gorgée des fantasmes sonores d'un Schulze nettement plus conservateur et mélancolique que dans ses années où sa démesure n'avait aucune frontière. On sent plus la témérité de Silhouettes ici que l'audace de Shadowlands, sa dernière grande œuvre.

Autre très long titre, Der Hauch des Lebens débute sur une vibration bourdonnante à laquelle se greffe une somptueuse one musicale. Ce dernier titre de DEUS ARRAKIS est le plus ambiant et son plus faible selon bien des critiques. Et c'est vrai qu'il est très méditatif avec une présence cosmique. Ses premières minutes sont sans rythmes, ni séquences. Elles sont construites sur un amoncellement de nappes de synthé aux rayonnements autant célestes que méphistophéliques avec une propension à tenir l'auditeur sur le qui-vive. Un premier écho de rythme surgit après la 8ième minute. Fragile comme un ver à soie se cachant de son prédateur, il articule une marche spasmodique sous l'égide d'orchestrations somme toute sibyllines d'un synthé en mode contemplatif. Le séquenceur tisse sa ligne. Elle sautille nerveusement, comme des pas perdus sur une peau de tambour tendue au minimum. Un rythme aussi ambiant que quasiment abstrait qui déroule une fine membrane circulaire, vestige de ces rythmes insaisissables des années d'or de la MÉ. Du Berlin School! C'est typique de Klaus lors de sa migration de l'analogue au digital des années MIDI. Der Hauch des Lebens retrouve ses repères plus atmosphériques après la 16ième minute. Un beau moment d'une intense sérénité, orné de suaves nappes de synthé ainsi que de ces pépiements électroniques uniques à la signature Schulze, qui conduit à un dernier spasme de rythme ambiant dans une finale vêtue de ces gargantuesques nappes d'orgue ténébreuses et pharaoniques qui ont mis le célèbre musicien de Berlin sur la mappe en 1972.

Ainsi le sort en est scellé, DEUS ARRAKIS est le dernier album de Klaus Schulze. À moins que Klaus D. Mueller nous sorte un lapin de son chapeau. Ce qui ne serait guère surprenant! En ce qui me concerne, Klaus n'invente rien sur cet album. Bien au contraire, il offre à son public une œuvre sobre qui resplendit de sa prose unique pour une MÉ atmosphérique guidée par des rythmes ambiants. La délicatesse et la sensibilité de DEUS ARRAKIS rejoint ces titres oniriques éparpillés entre Timewind et In Blue. Un Schulze mélancolique qui nous transmet son passé, sachant sans doute que sa fin est inévitable! Pour moi, il s'agit d'un merveilleux moment intime dont je ne peux me détacher…la véritable force de ce DEUS ARRAKIS!

Sylvain Lupari (13/08/22) *****

Disponible chez Groove nl

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