“La force d'une œuvre dark-ambient est sa capacité à séduire avec des ambiances chargées de tons bizarres et écarlates, c'est Lament”
1 Weigthless Particles 8:30
2 Hoarfrost 8:55
3 Lament 3:25
4 And all which is not 24:13
5 Lurk 3:31
6 Below Ice 8:54
7 Reign of Dust 11:22
(CD 69:07)
(Dark ambient music)
La force d'une œuvre noire et ambiante est sa capacité de séduire avec des ambiances où crissent, crient et flottent des tonalités exsangues et écarlates. Vous vous souvenez de cette longue œuvre noire et ambiante que ['ramp] et Markus Reuter avait concocté en 2007? ceasing to exist avait rivé les amateurs de musique planante, aux fines odeurs de musique industrielle croupissant dans ses cendres toxiques, à leurs casques d'écoutes. Près de 5 ans plus tard, Stephen Parsick et Markus Reuter remettent ça avec une œuvre noire et intensément flottante qui est à la mesure de leurs talents inégalés pour insuffler vie à des structures mortes. LAMENT est un puissant cocktail sonore où la multiplicité des couches de synthés et de guitares qui bourdonnent donne vie à ces éparses implosions qui ponctuent la noirceur quasiment onirique d'une œuvre qui se déguste à fond, recroquevillé dans le confort d'une bonne paire d'écouteurs. C'est une œuvre intense qui ne cesse de séduire à la minute qu'elle s'insinue dans nos oreilles.
Des vents. Des lamentations spectrales et irisées débauchent la quiétude de Weigthless Particles. Agglutinées en une immense masse sonore, ils flottent avec un mélange de menace et de séraphicité. La guitare dégage un parfum de sérénité avec ses couches plus lumineuses qui défient celles plus intenses et noires de Stephen Parsick, alors que la fusion de leurs éléments apporte un brin de musicalité sur ces ténèbres atonaux où des brises de métal-pleureur crissent dans des brumes de Mellotron égarées ici et là. Purement ambiant, Weigthless Particles définit les grandes lignes d'un album qui l'est tout autant. La belle Hoarfrost pleure de solitude avec ses couches de guitares qui larmoient en formes de solos, criant son désarroi dans les douceurs morphiques et abyssales des couches d'un synthé qui fini par étendre ses lourdes voiles ténébreuses. Un furtif combat entre les boucles aux échos déformées de la guitare et la densité des nappes de synthé, guidées par une férocité biblique, amène la belle et ténébreuse Hoarfrost dans ses derniers soupirs, là où nous entendons encore les ultimes souffles d'une guitare épuisée. Court mais intense, Lament fait mugir sa bête à travers des boucles de pulsations qui gargouillent avec force dans un décor lunaire dessiné par les ondes d'une guitare qui emprunte les souffles arabiques d'une civilisation perdue. Nous venons de dépasser les frontières de la bête et de sa tanière avec le long et sans formes And all which is not qui nous plonge en pleine agonie. Lourde et noire, l'intro finie par dissiper ses couches méphistophéliques qui hurlent comme des vents déracinant montagnes dans une puissante descente abyssale. Il y a un mélange de terreur et de poésie scabreuse dans ces 7 premières minutes qui écorchent toutes formes de pensées virginales et où le doute entre la coexistence de deux univers parallèles fond peu à peu. La descente vertigineuse se termine dans un bain de fusions entre ces nombreuses couches de synthé et celles d'une guitare abstraite qui déchire l'auditeur par la force de leurs noirceurs et la sérénité de leurs luminosités. Nous flottons dans une étrange valse linéaire où la quiétude évanescente reste la proie des tempêtes intestines qui rodent tout autour de cette longue fresque sur le néant. On entend des réminiscences du Chronos de Michael Stearns flâner ici et là sur une structure qui se tranquillise peu à peu. Et on y arrive. On arrive à ces pulsations et ces implosions glauques qui nourrissaient les vampiriques ambiances ['ramp] de cease to exist. Et alors que l'on pensait que le duo Parsick/Reuter avait atteint l’apothéose de l'art abstrait, And all which is not respire à nouveau et renaît de ses cendres toxiques pour embrasser une finale où les souffles pernicieux d'un métissage biscornue lancent une mielleuse ambiance de sérénité satanique qui seront au cœur d'une finale déroutante avec le très beau et mélancolique Reign of Dust et les solos taciturnes de Markus Reuter.
Lurk offre les premiers semblants de rythme sur LAMENT avec des carillons tibétains qui résonnent dans une étrange messe noire. Même si les vents mugissent avec opacité, on entend tous ces petits détails sonores qui font la force de cette sombre union entre Stephen Parsick et Markus Reuter. L'ambiance tissée par cet amoncellement de multiples couches aux tonalités disparates est aussi intense que poignante. Below Ice nous surprend par la férocité de ses lamentations aliénantes. Cette fois-ci la descente est d'agression avec ces ululements de schizophrénie qui beuglent à l'insanité dans d'éparses implosions de glace. C'est un habile mélange entre les tonalités cristallines et épeurantes de Permafrost-Music for Hibernation et les lamentations Reutertroniques qui s'élèvent avec ses cris babyloniens au-dessus d'une finale à faire rêver les bruiteurs des œuvres océanographiques. Avec leurs approches un brin poétique, Below Ice et Hoarfrost séparent à merveille les ambiances sépulcrales qui tapissent le noir univers de LAMENT. Et, puisé dans l'antre de And all which is not, Reign of Dust offre une finale des plus inattendues où la renaissance respire la pureté. C'est un nectar onirique très rare dans les œuvres de Stephen Parsick et un monument de beauté dans cette intrigante œuvre ambiante qu'est LAMENT.
Sylvain Lupari (20/04/13) *****
Disponible au [´ramp] Bandcamp
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